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L'envol des tourterelles

Titel: L'envol des tourterelles
Autoren: Arlette Cousture
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mouchoir de sa poche et le tendre à son fils. Jerzy prit le sien et s’essuya le front, heurtant une paupière au passage.

5
    Le soleil n’était pas encore levé et la ville boudait l’arrivée de juin. Le temps demeurait frisquet et, mis à part quelques journées de chaleur, le printemps semblait incapable de redonner de l’énergie aux Montréalais. Jan sortit de la maison, marcha rapidement jusqu’à sa voiture, prit le volant et s’immobilisa devant l’épicerie située à l’angle des rues Gilford et Saint-André, magasin que tous appelaient maintenant l’épicerie mère. Il n’y resta que quelques minutes et en ressortit les bras chargés de cartons qu’il mit dans le coffre du véhicule. Il se dirigea ensuite vers sa deuxième épicerie, située rue Sainte-Catherine, dans l’ouest de la ville, et y refit le même manège. Il monta finalement la rue Guy, jusqu’à ce qu’il s’arrête dans le chemin de la Côte-des-Neiges, où il avait sa troisième épicerie. Son nouveau gérant déverrouillait la porte et Jan regarda l’heure. Il hocha la tête, l’admiration se peignant sur ses traits. C’était la première fois qu’il croisait un employé, personne n’entrant au travail d’aussi bon matin. Il alla frapper à la porte remise sous verrou et sourit de plaisir en entendant cliqueter les chaînes et grincer le loquet. Ces sons lui donnaient l’impression d’être arrivé à l’orée de ses rêves. M. Favreau aurait été très fier de savoir, il en était certain, qu’il avait pignon sur le chemin de la Côte-des-Neiges, presque au sommet du mont Royal.Sitôt qu’il revoyait M. Favreau en pensée, l’image très floue de son père et de sa mère apparaissait comme une toile de fond. À maintes reprises, il avait souffert de les avoir quelquefois privés d’une nourriture obtenue péniblement grâce à son commerce de charbon ou volée aux Allemands du Wawel, uniquement pour s’en gaver lui-même, seul, presque clandestinement.
    – Monsieur Aucoin! Qu’est-ce qui vous amène de si bonne heure à matin?
    – Rien de spécial. Je veux simplement vérifier la fraîcheur des fruits et des légumes et regarder l’état des empaquetages de biscuits.
    Le gérant n’eut qu’un petit battement de cils et Jan lui fit un sourire rassurant. Il se dirigea vers les étals, prit un carton au passage et le remplit rapidement. Le gérant le regardait faire, n’osant protester, craignant que son patron, qui n’avait même pas trente-cinq ans, soit venu pour vérifier son travail. Il regarda l’heure, vit qu’il n’était pas encore sept heures et se demanda s’il devrait à l’avenir entrer encore plus tôt. Il se faisait déjà un point d’honneur d’avoir mis en place avant l’ouverture du magasin les produits fraîchement arrivés du marché Central. Comme M. Aucoin, il avait pour principe que les clients ne devaient jamais être gênés par des employés obstruant les allées avec des cartons.
    Jan prit un paquet de biscuits
Parade
dont l’emballage était défraîchi et le mit dans son carton. M. Grégoire, son employé, le suivait pas à pas et Jan savait qu’il s’inquiétait probablement à cause de sa présence.
    – Il est possible qu’on se revoie, comme ça. Je viens au moins deux fois par semaine.
    – Deux fois par semaine? Avant sept heures?
    – À six heures, quand je peux.
    – Six heures?
    Jan vit que M. Grégoire se demandait s’il devait être là pour l’attendre. Les matins où il allait au marché Central, il devait lui-même être levé à quatre heures.
    – Quels jours?
    – Ça varie, mais habituellement... Vous allez au marché les mardis et les jeudis?
    – Comme vous m’avez demandé, monsieur Aucoin.
    – Alors, je serai ici ces jours-là. Comme ça, je saurai qu’il faut dégager les étals et j’aurai le plaisir de pouvoir discuter avec vous avant que vos employés arrivent.
    – Discuter de quoi, exactement?
    – De l’épicerie. Parler des gros
Dominion, A&P
et
Steinberg
, qui, à mon avis, ont oublié un détail...
    – Quel détail?
    – Nous en reparlerons.
    Jan salua M. Grégoire mais celui-ci l’accompagna jusqu’à la voiture, lui bourdonnant autour comme un hanneton affolé. Il posa le carton sur le siège arrière, son coffre étant trop rempli, puis serra la main du gérant et lui répéta qu’il était heureux de l’avoir embauché. M. Grégoire, suspicieux, fronça les sourcils et ne parvint pas à sourire.
    Jan déposa
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