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Le temps des illusions

Le temps des illusions

Titel: Le temps des illusions
Autoren: Evelyne Lever
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aujourd’hui les jeunes premières sur la première scène du royaume. Cette famille vit luxueusement dans un immeuble de la rue de Condé, prend ses quartiers d’été dans sa maison de campagne au village d’Auteuil. Comble de la réussite,Dancourt a acheté une gentilhommière du siècle dernier à Courcelles près de Pithiviers. Il est temps qu’il prenne sa retraite. Place aux jeunes.Ce n’est pasLegrand, autre auteur de comédies assez bien tournées, qui va bouleverser le répertoire. On murmure le nom d’Arouet. Pendant son exil à Sully-sur-Loire, il a, dit-on, composé une tragédie. Il la lira sans doute dans l’un des cercles qu’il fréquente.
    Composée d’une trentaine de comédiens, remarquable par son homogénéité, la troupe des Français compte deux vedettes, Quinault-Dufresne et Mlle Duclos.Quinault-Dufresne doit surtout son succès à sa belle prestance et à sa voix enjoleuse. Grande et bien en chair, avec un regard de feu, Mlle Duclos a brillé jusqu’alors pour son interprétation des reines de tragédie. D’aucuns la trouvent sotte, disent qu’elle ne comprend pas ce qu’elle récite et qu’elle ne sait même pas distinguer le Pater du Credo . Mlle Duclos se moque des médisances et mène joyeuse vie en accordant fort bien Bacchus avec Vénus. Elle ne va hélas pas tarder à déchanter. Une nouvelle étoile se lève au firmament du théâtre. Elle s’appelle AdrienneLecouvreur. Remarquée par Legrand alors qu’elle jouait Polyeucte dans une troupe d’amateurs, elle est devenue comédienne à la cour de Lunéville puis à Strasbourg. Engagée depuis peu au Théâtre-Français, elle a débuté le 14 mai 1717 dans l’ Électre de Crébillon.
    Jamais une comédienne n’a bouleversé le public comme Mlle Lecouvreur. Lorsqu’elle paraît en scène, elle accroche aussitôt les regards. Ses gestes lents et tendres, ses regards annoncent ce qu’elle va dire. Elle ne joue pas la tragédie, elle la vit. Ses larmes font couler celles des spectateurs. Aucune femme n’exprime les affres de la passion avec cette vérité. Comme on lui demandait quel était le secret de son interprétation si nouvelle sur la scène, elle répondit : « La simplicité de mon jeu est mon seul mérite. L’intelligence est indispensable, mais il faut laisser la nature faire le reste. Vouloir exagérer la nature, c’est la perdre. »
    Le Régent pria le prince de Parme de lui envoyer une troupe de comédiens italiens pour remplacer celle que Louis XIV avait renvoyée en 1697. LuigiRiccoboni, homme d’esprit et auteur estimé, qui s’illustra jadis sur la scène de l’hôtel de Bourgogne, réunit les meilleurs acteurs. On les attendait avec une telle impatience qu’il leur a fallu donner un premier spectacle le jour de leur arrivée à Paris. L’hôtel de Bourgogne où ils jouaient avant l’exil n’étant pas encore prêt, le Régent leur a laissé l’Opéra quifaisait relâche. De grandes affiches placardées sur les murs annonçaient les « Comédiens Italiens de Mgr le duc d’Orléans Régent dans l’Inganno Fortunato  » ( L’Heureuse Surprise ) . Princes, princesses et grands seigneurs se pressèrent pour voir les pantomimes d’Arlequin, les mimiques de Silvia et de Flaminia. Le public s’intéressa plus aux jeux des masques qu’à la maigre intrigue amoureuse. On venait là pour se distraire et pour comparer la nouvelle troupe avec celle queLouis XIV avait exilée en 1697, sous prétexte d’indécence.
    Ce premier spectacle soulève des réactions mitigées. Trop de rires, trop de rires ! En effet, les comédiens parlent italien. Ceux qui ignorent cette langue rient de voir rire les autres ; ils demandent ensuite ce qui a suscité l’hilarité ; l’explication entraîne une deuxième explosion de rires. Ceux qui comprennent un peu l’italien se mettent à rire à tout propos pour en imposer aux autres. Enfin, il y a ceux qui rient parce qu’ils ont compris, mais qui s’en veulent d’avoir ri de si bon cœur à des répliques assez triviales. Ils rentrent chez eux furieux d’avoir assisté à un spectacle juste bon pour « la plus vile populace », mais qu’ils ne peuvent s’empêcher de raconter en riant.
    Il y a pourtant des inconditionnels admirateurs des Italiens. On s’y amuse beaucoup plus que chez les Français. La vivacité des comédiens, leur naturel, leur présence d’esprit, le jeu de leur corps rajeunissent l’art du théâtre. Leur vogue est
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