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Le soleil d'Austerlitz

Le soleil d'Austerlitz

Titel: Le soleil d'Austerlitz
Autoren: Max Gallo
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être sûr que de soi. Tout le reste peut vous échapper.
    Il pense tout à coup à Trafalgar. Cette bataille qu’il engagera effacera la défaite morale. Il descend de cheval, gravit une petite pente, piétinant dans des herbes humides. En face de lui, le prince Dolgorouki, méprisant.
    « Freluquet impertinent » qui s’imagine me tenir entre ses mains.
    Le prince réclame l’Italie, la Hollande, la Belgique, la capitulation en somme.
    L’écouter avec inquiétude, et presque de l’humilité, pour le convaincre que je crains la bataille, que mes troupes se retirent, fuient devant la menace. Ce prince me parle comme à un « boyard qu’on veut envoyer en Sibérie ». Qu’il pérore ! Qu’il rapporte aux deux Empereurs que Napoléon a tremblé de peur devant lui !
    Napoléon retourne à son bivouac. Les sapeurs de la Garde ont fabriqué, avec des débris de portes et de volets, une table et des bancs, comme on en voit dans les fêtes de village. Napoléon s’assied. Il parle avec une insouciance joyeuse, puis il s’installe dans sa voiture et s’endort.
    Le 30 novembre, après avoir parcouru à cheval toutes les routes et s’être assuré que les Russes et les Autrichiens continuent leur avance, il se retire à seize heures trente dans sa berline.
    Il faut pour gagner cette bataille que chaque soldat sache ce qui est en jeu.
    Je suis l’Empereur des Français, et non l’un de ces souverains qui poussent leurs hommes comme s’ils n’étaient que des pièces de bois.
    Il commence à dicter l’ordre du jour à la Grande Armée :
    « Soldats, l’armée russe se présente devant vous pour venger l’armée autrichienne.
    « Les positions que nous occupons sont formidables ; pendant qu’ils marcheront pour tourner ma droite, ils me présenteront le flanc. »
    Il s’arrête. Il veut que chaque soldat comprenne la manoeuvre à laquelle il participe. Alors la Grande Armée sera invincible.
    « Soldats, reprend-il, je dirigerai moi-même tous vos bataillons ; je me tiendrai loin du feu, si, avec votre bravoure accoutumée, vous portez le désordre et la confusion dans les rangs ennemis ; mais, si la victoire était un moment incertaine, vous verriez votre Empereur s’exposer aux premiers coups, car la victoire ne saurait hésiter dans cette journée surtout où il y va de l’honneur de l’infanterie française qui importe tant à l’honneur de la nation. »
    Il ouvre la portière de la berline. La nuit tombe. Les jours d’hiver sont courts. Il y aura peu d’heures pour la bataille. Chaque minute, de l’aube à la nuit, comptera.
    « Que, sous prétexte d’emmener les blessés, continue-t-il en se rencognant dans la berline, on ne dégarnisse pas les rangs, et que chacun soit bien pénétré de cette pensée qu’il faut vaincre ces stipendiés de l’Angleterre qui sont animés d’une si grande haine contre notre nation.
    « Cette victoire finira la campagne… et alors la paix que je ferai sera digne de mon peuple, de vous et de moi. »
    Il saute à terre, s’installe à table, avec ses aides de camp. Il évoque la campagne d’Égypte. Il est calme. Et pourtant le temps a changé, la pluie et la grêle tombent en de longues averses rageuses.
    Mais le mauvais temps vaut pour tous.
     
    Il dort dans sa berline, quelques heures à peine, puis, alors que la nuit dure encore, ce 1 er décembre 1805, il va sans escorte sur le front de plusieurs régiments.
    La pluie a cessé, mais le ciel est couvert ; cependant, à l’est, des bandes claires annoncent peut-être le beau temps pour demain.
    Alors qu’il passe devant le 28 e régiment de ligne, une voix s’élève : « Nous te promettons que demain tu n’auras à combattre que des yeux. »
    Il frissonne. Ces hommes ont compris son ordre du jour.
    « Dans une armée française, dit-il à ses aides de camp, la plus forte punition est la honte. »
    Devant la brigade du général Ferny, il s’adresse aux soldats, leur demande s’ils ont vérifié leurs cartouches. Certains crient qu’ils ont leurs baïonnettes, d’autres lancent : « Sire, tu n’auras pas besoin de t’exposer. »
    Dans la soirée, alors qu’il galope le long des étangs, escorté par ses vingt chasseurs de la garde, une patrouille de cosaques surgit. Les Russes hurlent sabre au clair, chargent l’escorte avec furie. Les aides de camp le sauvent, l’entraînent, et il s’éloigne à travers champs cependant que l’escorte fait front.
    Il descend de cheval, avance seul. Demain
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