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Le porteur de mort

Le porteur de mort

Titel: Le porteur de mort
Autoren: Paul C. Doherty
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d’être vigilants.
    Corbett observa les environs. C’était un quartier de la ville où attention et épée devaient être aiguisées et vives. Un voile de brume s’élevait de la Tamise. Le grondement du fleuve quand il déferlait sous les arches du pont en se brisant contre les piliers de protection résonnait comme un roulement de tambour, sans pour autant noyer complètement la clameur de la populace qui se pressait dans la rue encombrée surplombant la berge. Les cris et les hurlements des mariniers, des capitaines des barges, des rameurs épuisés, se mêlaient aux appels sonores des marchands et de leurs apprentis qui proposaient des produits variés, allant de la tourte chaude à la gourde en cuir. Un groupe d’entreprenants colporteurs avait installé des étals pour vendre des outres à vin, des bourses, des lacets de cuir, des escarcelles en peau de daim, des ceintures et toutes sortes d’herbes médicinales à ceux qui se rendaient à Westminster, empruntaient le pont ou se dirigeaient plus au nord vers la masse menaçante de la Tour. Une autre rangée de vendeurs à l’air douteux offrait des fourrures provenant de « monstrueuses bêtes mystérieuses d’Orient à la tête blonde, au corps noir comme mûre, au dos cramoisi et à la queue multicolore ». Les dizainiers {5} questionnaient à présent avec soin ces porteballes itinérants : avaient-ils une licence pour commercer en ces lieux ?
    Corbett surveillait la foule, guettant toute violence ou rébellion contre l’étendard royal déployé par Chanson, mais, mis à part un cri montant du sein de la cohue qui suggérait d’enchâsser les testicules du souverain dans un excrément de porc, il n’y avait pas de ressentiment manifeste. De toute évidence, les affaires marchaient bien, de même que la justice du monarque. Les ceps et le pilori étaient pleins de ribaudes, de fêtards et d’ivrognes, sans parler des filous et des contrefacteurs pris la main dans le sac. On faisait subir un châtiment spécial à un boucher coupable d’avoir vendu de la viande avariée : il devait rester debout dans une charrette sous la potence, les entrailles pourrissantes d’un goret enroulées autour du cou, le groin sous le nez. On arrachait les cheveux à un homme qui avait tiré ceux d’un archidiacre lors d’une rixe. Les hurlements de la victime étaient couverts par l’annonce claironnante que, lorsque sa peine prendrait fin, le malheureux devrait, suivi par des bourreaux munis de fouets, traverser le pont nu-pieds, et ce par trois fois. Un peu plus loin un prêcheur vagant désignait le chariot des exécutions, dont les paniers d’osier débordaient des restes de rebelles écossais, décapités, découpés en morceaux et mis dans de la saumure, restes que l’on exhiberait sur le pont de Londres. Il déclarait sans détour : « L’homme né de la femme ne vit que peu de temps. Ses jours ne sont que misère et malheur ! Il ne s’épanouit telle une fleur que pour choir aussitôt sur le sol, pour se dissiper comme une ombre et disparaître à jamais. » Plus près de l’entrée du pont, de grands fanaux flamboyaient dans des tonneaux de poix vides autour desquels s’étaient rassemblés les gueux, les invalides, mendiants gâteux et fous bavant. Des franciscains en grossière bure noire passaient de l’un à l’autre en proposant du pain et des bouts de viande bouillie. Les malades et leurs bienfaiteurs côtoyaient les sergents qui, parés de leur splendide tunique pourpre et de leur calotte de soie blanche immaculée, entraient et sortaient des cours de Westminster. Le long de la rive, on avait érigé un rang d’échafauds ornés de dépouilles raides et gelées sur les épaules desquelles milans, corbeaux et corneilles se posaient pour picorer et arracher des bribes de cervelle ou un oeil pendant que des femmes accroupies sous les potences offraient des lambeaux d’habits de pendus en guise de porte-bonheur.
    Corbett prenait note de toutes ces scènes, tapageuses ou macabres, de ce mélange de bien et de mal. Il remonta son capuchon et contempla une bande de flagellants torse nu. Ils avançaient péniblement en rang en chantant le verset d’un psaume et en se frappant mutuellement avec des fouets à larges lanières garnies d’aiguilles ; le sang, ruisselant de leurs corps, trempait et souillait leurs pieds. Corbett murmura une prière in petto. Il lui fallait abandonner la douce chaleur de l’univers de Maeve. Il allait
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