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Le Livre D'émeraude : Les Aventures De Cassandra Jamiston

Le Livre D'émeraude : Les Aventures De Cassandra Jamiston

Titel: Le Livre D'émeraude : Les Aventures De Cassandra Jamiston
Autoren: Carolyn Grey
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à tenir.
Mentir à Gabriel lui répugnait, mais elle ne pouvait se résoudre à lui donner
la missive de son amant. Elle ne pressentait que trop bien le danger qu’elle
représentait. Son contenu risquait de porter un coup fatal au fragile équilibre
qu’elle était parvenue au prix de tant d’efforts à instaurer entre elle et le
jeune homme. Et cela, Victoria ne pouvait même l’envisager. Elle avait besoin
de temps pour faire comprendre à Gabriel où était sa véritable place. Elle ne
laisserait pas Julian Ashcroft, aussi riche et titré fût-il, compromettre par
égoïsme la seule chance de bonheur de Gabriel en l’éloignant d’elle.
    Le
soir venu, assise sur son lit, elle examina une fois encore l’enveloppe et les
armoiries dorées des Ashcroft qui semblaient la narguer. N’y tenant plus, elle la
déchira d’un geste brusque. L’enveloppe glissa au sol tandis que Victoria
dépliait avidement la lettre. Elle la lut une fois, deux fois, trois fois, une
main pressée sur son cœur, pâlissant davantage à chaque seconde. Enfin, elle la
replia lentement, les yeux perdus dans le vide. Soudain, sa résolution fut
prise. Craignant de changer d’avis, elle se leva d’un bond et s’avança d’un pas
déterminé vers la bougie posée sur la commode. Puis, sans hésiter, elle
approcha la lettre de la flamme. Une ligne rouge vif rampa en lisière de la
feuille avant de se répandre d’un seul coup sur toute la surface. Les mots de
Julian furent un instant illuminés, puis se noircirent et se recroquevillèrent
tandis que la flamme commençait à les dévorer un à un. La lettre se consuma
avec rapidité, se tordant furieusement entre les doigts de Victoria, mais elle
ne la lâcha que lorsqu’il n’en resta plus que des cendres.

IX
    Charity
Blake avait dix-neuf ans au moment de son mariage. C’était alors une jeune
fille timide et réservée, qui ne parlait que lorsqu’on lui adressait la parole.
Bien qu’elle n’eût jamais manqué de rien, elle avait toujours souffert d’une
profonde mélancolie, que personne cependant n’avait prise au sérieux.
    Elle
avait espéré en se mariant que sa vie commencerait enfin. Elle avait espéré en
se mariant que des couleurs viendraient égayer la grisaille de son existence.
Elle s’était trompée.
    Tenir
une maison, s’occuper d’un enfant, remplir les devoirs d’une épouse… elle avait
très vite compris qu’elle en était incapable. Toutes ces tâches, si naturelles
et aisées aux autres femmes, étaient au-dessus de ses forces.
    Elle
se sentait si seule parfois, si emplie de tristesse, qu’elle pleurait des
heures durant ; ou bien elle suffoquait lamentablement, comme privée
d’air. Son époux se montrait gentil et patient avec elle quand il était à la
maison, c’est-à-dire presque jamais. Du reste, en quoi était-il capable de
l’aider ? Il ne pouvait voir l’obscurité qui cernait Charity, encore moins
la comprendre ou la combattre. Alors, Charity restait seule. Seule dans ses
propres ténèbres.
    Elle
savait qu’elle aurait dû aimer son enfant, mais il ne lui inspirait que de
l’ennui. Et souvent, aussi, du dégoût. Elle tentait de se forcer, de se
raisonner. En vain.
    Chaque
jour, la frustration, le désespoir, la culpabilité la dévoraient un peu plus,
mais elle n’en parlait pas. Elle les gardait renfermés en elle, comme un secret
honteux. Et puis la digue avait fini par se rompre, et l’eau avait tout emporté
sur son passage.
    Un
matin semblable à tous les autres, Charity s’était levée et habillée. En
passant dans le couloir, elle avait entendu son fils pleurer dans sa chambre.
Il lui semblait qu’il ne cessait jamais de pleurer, et la colère l’avait
saisie, au point que son sang l’avait brûlée en circulant dans ses veines.
Pourquoi ne la laissait-il pas en paix ? Elle ne pouvait plus le
supporter. Alors elle était entrée dans la chambre, s’était penchée sur le
berceau et avait étouffé le nourrisson avec sa couverture. C’était aussi simple
que cela. Beaucoup plus facile qu’elle ne l’aurait imaginé. Son fils s’était
tu, définitivement cette fois, et un tel soulagement l’avait envahie qu’elle
avait été obligée de fermer les yeux pour ne pas défaillir.
    Charity
ne se rappelait plus très bien ce qui s’était passé ensuite. Tout était flou,
confus, jusqu’à son arrivée à l’asile de Reinfield. Chose surprenante, elle
avait trouvé entre ces murs blancs et nus une forme de
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