Bücher online kostenlos Kostenlos Online Lesen
Le jardin d'Adélie

Le jardin d'Adélie

Titel: Le jardin d'Adélie
Autoren: Marie Bourassa
Vom Netzwerk:
gardes.
    — Qu’est-ce que cela signifie, bourrel ? Mais remettez-moi ça tout de suite ! Cela ne se fait pas !
    Il avait parlé en vain. Louis laissa tomber la cagoule par terre et se montra à Firmin, qui clignait les yeux et plissait les paupières. La voix basse et les yeux sombres qui lui étaient si familiers se complétaient maintenant d’un visage. Un visage dur, impassible, qu’il aurait dû connaître. Louis se pencha au-dessus de lui et lui soutint la tête presque tendrement pour lui permettre de mieux voir. Firmin revit dans sa mémoire une certaine mèche de cheveux courts qui retroussait tout le temps sur la tête d’un garçon qui n’aurait jamais dû exister. Cette même mèche retombait à présent sur le front de cet homme. Les traits juvéniles du garçon se superposèrent, obstinés, à ceux du bourreau. Les lèvres, le nez, les sourcils étaient les mêmes. Les yeux aussi.
    Non. Ce n’était pas possible. Pas ces yeux-là. La voix basse dit doucement :
    — Vous m’avez manqué, Père.
    Il laissa la tête retomber en arrière sans rudesse et sa main glissa vers la chemise tachée du vieil homme. Firmin hurla à la mort avant même d’être touché.
    C’était la première fois que Louis se délectait de tuer quelqu’un, et ce serait sans doute la seule. Tel un meurtrier cruel, il aima observer l’angoisse qui se peignait sur le visage de la victime. Il aima ressentir sa peur et sa détresse. Il aima le pouvoir qu’il détenait sur Firmin. Il se sentait redevenir un homme. Un homme qui était à nouveau maître de sa destinée et qui pouvait enfin assouvir sa vengeance. L’émoi en devenait presque insoutenable. Alors qu’il sentait l’expression de son visage se mettre à changer malgré lui, il tira sur la peau en s’aidant du couteau. Les acclamations des spectateurs augmentèrent, mais les hurlements de son père furent bientôt les seuls qui peuplèrent son esprit. La foule, accessoire dont il lui avait bien fallu tolérer la présence, n’existait plus. Les amples mouvements doux qu’il effectuait avec sa lame contrastaient avec les secousses brutales de son bras gauche, transformant le supplice en une sorte de gestuelle infernale. Continuellement, la lame sectionnait d’abondants vaisseaux sanguins qui affleuraient à la surface de la peau. Du sang giclait partout. Très vite le tablier gris de Louis en fut éclaboussé. Ses avant-bras dénudés ressemblaient à ceux d’un boucher. Même son visage était parsemé d’étoiles écarlates dont certaines gouttaient. Ses yeux noirs y produisaient un effet saisissant de férocité barbare.
    Firmin s’évanouit une première fois. Louis essuya avec impatience un peu de salive qui lui coulait le long du menton et réclama péniblement, avant de reculer un peu :
    — De l’eau.
    Un seau d’eau versé sur le vieillard par l’un des assistants suffit à faire retentir de nouveau les cris inarticulés. Et la besogne cruelle se poursuivit, interminable, jusqu’à la pause suivante provoquée par une nouvelle défaillance. Les deux bras furent dépouillés, mettant à nu le réseau rougeâtre et frémissant des muscles où serpentait çà et là la blancheur des tendons.
    Graduellement, les pertes de conscience de Firmin se mirent à interrompre le supplice à un rythme plus fréquent. En jetant un coup d’œil occasionnel à son père dont la tête pendait en arrière, Louis entreprit d’écorcher les jambes {184} . Les exécuteurs devaient prendre garde de ne pas glisser sur les planches grossières.
    Les assistants rejoignirent Baillehache qui s’était éloigné vers la table. Par les ouvertures de leur cagoule, ils purent voir le bourreau qui baissait la tête en fronçant les sourcils. Quelque chose n’allait pas. Il avait dans les yeux une lueur anormale. Il porta une main hésitante sur l’un des objets alignés sur la table et, soudain, sa jambe gauche se déroba sous lui. Il parvint à ne pas tomber en s’agrippant à la table, non sans bousculer les instruments qui s’y trouvaient. Le cerveau stimulé à l’extrême par l’émoi, Louis perdait le contrôle du côté gauche de son corps. Il plia maladroitement le coude afin de camoufler cet étrange malaise et demeura immobile un instant, le dos tourné à la foule. Seule son épaule gauche se haussa nerveusement deux ou trois fois.
    — Serait-il saoul ? demanda quelqu’un dans la foule.
    Louis demeurait appuyé contre la table, tenant de la
Vom Netzwerk:

Weitere Kostenlose Bücher