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Le Hors Venu

Le Hors Venu

Titel: Le Hors Venu
Autoren: Viviane Moore
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par le cliquetis des armes et les hennissements des chevaux. Un musulman se jeta sur un officier qui lui enfonça son sabre en travers du corps. En quelques instants, la situation bascula, le sang se mit à couler, c’était la guerre dans les ruelles de la Kalsa.
    Quand les guetteurs du palais royal annoncèrent que des colonnes de fumée s’élevaient du quartier musulman, l’émir fit envoyer des renforts. Les nouvelles troupes à cheval se lancèrent dans la bataille, et, malgré la résistance des musulmans, des maisons furent brûlées, pillées, les meubles fracassés, les réserves mises à sac. Les femmes et les filles des rebelles furent envoyées vers le harem de l’émir des émirs, ceux qui avaient échappé à la mort conduits à la prison ou au pilori. Une longue file de chariots où s’entassaient sabres, poignards, fourches, haches, lances et tout ce qui de près ou de loin s’apparentait à une arme prit le chemin du palais. Bientôt, grâce à l’intercession de l’imam et du cadi, le calme revint.
    Mais pas la paix.

 
    PAR LE FER

 
    9
    Accompagné du capitaine du palais, un messager, son mantel noir et ses chausses couverts de boue, se présenta devant la porte de l’émir des émirs.
    — Ordre du roi. Laissez passer ! ordonna-t-il.
    Le soldat frappa le signal convenu sur le vantail qui s’ouvrit aussitôt et se referma sur le messager. Après avoir remis son pli, le cavalier, un des officiers musulmans de la Légion arabe, s’agenouilla devant Maion de Bari. L’émir brisa le sceau de Guillaume I er , déroula le parchemin et lut rapidement avant d’ordonner en arabe :
    — Parle !
    — La flotte royale est à l’ancre dans le port de Messine, ô émir des émirs.
    — Avons-nous perdu beaucoup de bateaux ?
    — Non, seulement deux. Au retour, nous avons essuyé une forte tempête et nous ne savons s’ils ont été envoyés par le fond ou bien si un dromon barbaresque les a surpris.
    — Continue !
    — Bari a été rasée.
    Le visage de l’émir resta impassible, pourtant au fond de lui quelque chose remua, des souvenirs de la ville de son enfance lui revenaient, le goût sucré des figues de Barbarie, le parfum des fleurs d’oranger que les filles se piquaient dans les cheveux, le chant des fontaines...
    — Et la basilique Saint-Nicolas ?
    Une image s’imposa, celle de la veillée pascale. Maion revit le diacre dérouler l’Exultet, un parchemin de près de quatre toises de long, avant d’entamer son chant. Avec ses camarades, il se glissait au premier rang des fidèles pour discerner les somptueuses enluminures qui ornaient le dos du manuscrit.
    Il entendit comme dans un songe la réponse de l’officier :
    — Le roi a donné ordre qu’on l’épargne, mais la cathédrale a été détruite.
    — Que saint Nicolas apaise les tempêtes de nos âmes ! murmura Maion.
    Une prière que répétait souvent sa mère. Enfant, il vénérait saint Nicolas dont les reliques reposaient à Bari depuis plus d’un siècle. Saint Nicolas qu’il avait oublié jusqu’à ce jour. L’officier se méprit sur le sens de ces paroles et affirma :
    — La victoire est totale, ô émir des émirs, et nos cales sont pleines de prisonniers. Sa Seigneurie attend votre signal pour regagner Palerme. Il veut que son entrée soit remarquée de tous.
    — Il en sera fait selon sa volonté.
    L’homme hésita puis ajouta :
    — Un émissaire lui a fait savoir qu’il y avait eu des émeutes à la Kalsa, il veut comprendre pourquoi.
    — Je dirai ce qui doit l’être dans le message que je vais lui adresser, rétorqua sèchement Maion qui, pour l’instant, ne tenait pas à ce que la nouvelle du désarmement des musulmans de Palerme s’ébruite auprès de la Légion arabe.
    La rebuffade éteignit la lueur qui brillait dans les yeux de l’homme.
    — Bien, ô émir, répondit-il.
    — Va en cuisine chercher de quoi manger. Une monture fraîche t’attendra dans la cour et mon page te donnera le pli à remettre au roi.
    Le messager se redressa, rejeta le pli de sa cape sur son épaule, salua rapidement et sortit.
    10
    Quelques instants plus tard, Maion frappait deux coups légers à la porte d’un appartement.
    — Entrez, ô émir des émirs, fit une jeune esclave qui s’écarta en le reconnaissant. La reine vous attend.
    Comme la femme faisait mine de l’accompagner, il la chassa d’un geste. Il aimait traverser seul l’enfilade des pièces ornées de bouquets de
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