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Le Gerfaut

Le Gerfaut

Titel: Le Gerfaut
Autoren: Juliette Benzoni
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oui ?…
    — Avant ce soir j’aurai fait justice. J’en fait serment sur la mémoire de mon père. Voulez-vous répondre ?…
    Mme de Châteaugiron baissa la tête et se détourna comme pour échapper à ce regard impérieux qui semblait vouloir fouiller jusqu’au fond de sa conscience. Un instant, elle garda le silence. Puis, se dirigeant vers la porte du salon :
    — Venez ! dit-elle seulement.
    Des mains d’une servante, elle prit, dans le vestibule une grande mante à capuchon dont elle s’enveloppa.
    — Où allons-nous ? demanda Gilles.
    — À la chapelle. De l’autre côté de la cour comme vous pouvez voir.
    Celle-ci apparaissait, en effet, à travers la pluie fine qui s’était mise à tomber et qui l’enveloppait d’une brume humide.
    C’était une petite chapelle née au temps de la Renaissance, étroite et précieuse comme un coffret malgré l’appui vigoureux de deux gros contreforts, avec son unique fenêtre de façade dont le meneau flamboyant s’ornait d’une fleur de lys. La porte ogivale s’ouvrit facilement sous la main de la comtesse, révélant les dalles sombres de l’intérieur, les quelques bancs ouvragés et l’autel simple devant lequel un vieux prêtre à cheveux blancs était en prières.
    Marchant sur la pointe des pieds pour ne pas troubler sa méditation, Mme de Châteaugiron conduisit Gilles jusqu’à la minuscule sacristie. Là, elle ouvrit un coffre, en tira un voile maculé et un bouquet de fleurs fanées devant lesquels le chevalier, malgré son empire sur lui-même, se sentit pâlir.
    — Nous lui avons donné sépulture sous les dalles de la chapelle, mais nous avons gardé ceci comme preuve, murmura la Comtesse. Maintenant, je suis prête à répondre à votre question… Sachez seulement que je ne répondrai qu’à une seule.
    — Il n’en sera pas autrement. Je veux seulement savoir si la malheureuse enfant dont vous avez accueilli le corps supplicié se nommait Judith de Saint-Mélaine ?
    — Oui…
    Le jeune homme avait beau s’attendre à ce oui, le choc ne l’en fit pas moins vaciller. Il dut fermer les yeux un instant, serra les dents. Quand il les rouvrit, il vit en face de lui le visage surpris de la Comtesse.
    — Cela fait si mal ? demanda-t-elle.
    — Plus que je n’aurais cru… plus que je ne saurais le dire ! Je l’aimais tant, sans bien m’en rendre compte, hélas ! Pardonnez-moi, madame…
    D’un geste vif, il saisit la touffe de fleurs fanées qui avait orné les cheveux de Judith, le voile qui avait servi de suaire à ce corps charmant dont le souvenir, il le sentait bien maintenant, ne cesserait plus de le hanter. Il y appuya ses lèvres avec passion puis remettant le tout en vrac dans les mains de la Comtesse et, sans même saluer, avec un sanglot rauque, il s’enfuit de la chapelle en courant, s’élança dans la cour. La voix de la jeune femme, qui s’était lancée à sa suite, le poursuivit :
    — Chevalier ! Je vous, en prie, attendez !… Ne partez pas ainsi… Revenez !
    Mais il n’entendait plus rien que les cris de son propre cœur et les clameurs d’un désespoir où se mêlait le remords. Il atteignit la voûte, sauta en voltige sur Merlin que le palefrenier y avait abrité et sortit du château comme une tempête, sans même songer à reprendre son manteau et son chapeau.
    Il remonta le vallon dans la brume liquide que le ciel déversait, enlevant son cheval qui bondit avec la légèreté d’un oiseau. Il ne sentait ni la pluie ni le froid, rien que cet enfer brûlant qu’il avait dans la poitrine et qui lui donnait l’impression qu’il allait éclater comme une chaudière trop poussée. Il arracha même la perruque blanche libérant ses cheveux qui claquèrent au vent de la course folle. Il n’avait plus qu’un but, une idée fixe ; atteindre le Frêne et y abattre, comme bêtes puantes, les bourreaux de Judith.
    Il piqua à travers la forêt de bois en sommeil, franchit des rochers, des ruisseaux, des ravins. Avant de quitter Ploermel, ce matin, Le Coz lui avait soigneusement expliqué la route qui menait chez Saint-Mélaine.
    — C’est beaucoup plus près de Trecesson que d’ici, lui avait-il dit. Cherchez un village qui s’appelle Néant !…
    Le mot lui avait arraché une grimace. Maintenant il lui trouvait une saveur presque douce. Le Néant c’était là qu’il voulait envoyer les assassins mais si lui-même tombait dans le combat, si la mort le prenait dans cette
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