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Le Fils de Pardaillan

Titel: Le Fils de Pardaillan
Autoren: Michel Zévaco
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tête. Ses traits ravagés s’apaisèrent, prirent une expression de sacrifice douloureux, et tandis que deux larmes brûlantes roulaient lentement dans sa barbe broussailleuse, il dit, très doucement :
    – C’est bien. Je pars à l’instant… Je retourne à Angoulême, sans regarder derrière moi !… Adieu !…
    Et sans ajouter une parole, sans s’attarder plus longtemps, il partit, sans tourner la tête, comme il avait dit.
    Pardaillan le rejoignit en quelques enjambées et lui glissa une bourse dans la main, en disant :
    – Pour vivre en route.
    Ravaillac ne parut pas remarquer ce geste généreux. Le dos courbé, serrant machinalement dans sa main crispée l’offrande de Pardaillan, il s’éloigna dans la direction de Charenton, d’un pas lent, lourd, les épaules secouées de sanglots convulsifs.
    – Ouf ! soupira Jehan, enfin le voilà parti !
    – Fasse le ciel qu’il ne change pas d’idée en route, ajouta Pardaillan.
    – Nous avons fait tout ce qu’il était humainement possible de faire… à moins de le livrer, répliqua Jehan.
    Et avec un bon sourire :
    – Maintenant que les affaires du roi sont réglées, j’ai bien acquis, je pense, le droit de m’occuper un peu des miennes. Que vous en semble, monsieur ?
    Pour toute réponse, Pardaillan se dirigea vers la porte du manoir. Cette porte s’ouvrit d’elle-même, comme il allongeait la main. Et Saêtta, qui venait d’ouvrir à l’intérieur, se montra dans l’encadrement.
    – Tiens ! fit Pardaillan d’un air railleur,
il signor
Guido Lupini !
    – Saêtta ! rugit Jehan. Pardieu ! du moment que les assassins sont apostés pour me meurtrir, du moment que les sbires accourent pour me saisir, je me disais que tu ne pouvais manquer à la fête !
    En même temps qu’ils parlaient, Pardaillan et Jehan avaient franchi le seuil de la porte, sans laisser à Saêtta, surpris, le temps de la repousser.
    Les hommes de Concini se trouvaient avec lui à la tour, derrière le corps de logis. Ils ne pouvaient voir ce qui se passait à la porte. Saêtta le savait bien. Il n’aurait eu qu’à appeler pour qu’on accourût à son secours. Mais Saêtta était brave. Il connaissait trop bien Jehan, qu’il avait élevé, et la réputation de chevaleresque loyauté de Pardaillan lui était bien connue aussi.
    Saêtta se trouvait en présence de cinq hommes. Mais il savait que ces cinq hommes ne le chargeraient pas ensemble. Par le fait son épée ne rencontrerait qu’une épée. Or, Saêtta, qui avait dénoncé plusieurs fois Jehan, Saêtta, qui venait d’avertir le grand prévôt, lequel accourait à bride abattue, Saêtta se fût cru déshonoré en appelant à l’aide alors qu’il n’avait qu’un adversaire à la fois devant lui.
    Saêtta n’appela pas. Il recula de deux pas et dégaina en se disant :
    – Que je tienne seulement deux minutes et le grand prévôt sera là. Alors, si le roi est mort – ce qui ne me paraît pas prouvé, car tout est bien calme dans ce carrosse – Jehan est pris. Sinon je donne le temps à Concini d’enlever la petite, et, par elle, je tiens mon Jehan !
    Tout ceci, bien entendu, passa dans son esprit avec l’instantanéité d’un éclair.
    Quant à Jehan, il est probable qu’il n’avait pas l’intention de croiser le fer avec Saêtta. Mais celui-ci avait dégainé et était tombé en garde avec autant d’aisance que s’il avait été sur les planches de la salle d’armes. Il n’en fallut pas plus. Avant d’avoir réfléchi, les deux fers se trouvèrent engagés jusqu’à la garde.
    Contrairement aux habitudes de l’époque, la lutte entre les deux hommes, qui connaissaient mutuellement leur jeu à fond, fut silencieuse. Sous son apparence froide et résolue, Saêtta ne laissait pas que d’être inquiet. Jehan lui avait dit avoir reçu quelques leçons de son père. Jusqu’à ce jour, il avait été certain de sa supériorité. Maintenant, il doutait. Mais comme il ne s’agissait pas pour lui de tuer Jehan, mais de gagner du temps, il espérait quand même réussir.
    Jehan, lui, au contraire, avait hâte d’en finir. Il trouvait qu’il avait trop perdu de temps déjà. Midi venait de sonner. Concini était là – la présence de Saêtta le prouvait – et Bertille se trouvait menacée. Une seconde perdue pouvait être fatale à la jeune fille. Il alla droit à son but. Par une série de coups amenés avec une rapidité foudroyante, il lia l’épée de son adversaire
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