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Le Droit à La Paresse - Réfutation Du «droit Au Travail» De 1848

Le Droit à La Paresse - Réfutation Du «droit Au Travail» De 1848

Titel: Le Droit à La Paresse - Réfutation Du «droit Au Travail» De 1848
Autoren: Paul Lafargue
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inutiles, malgré sa
voracité insatiable, ne suffit pas à consommer toutes les
marchandises que les ouvriers, abrutis par le dogme du travail,
produisent comme des maniaques, sans vouloir les consommer, et sans
même songer si l’on trouvera des gens pour les consommer.
    En présence de cette double folie des
travailleurs, de se tuer de surtravail et de végéter dans
l’abstinence, le grand problème de la production capitaliste n’est
plus de trouver des producteurs et de décupler leurs forces, mais
de découvrir des consommateurs, d’exciter leurs appétits et de leur
créer des besoins factices. Puisque les ouvriers européens,
grelottant de froid et de faim, refusent de porter les étoffes
qu’ils tissent, de boire les vins qu’ils récoltent, les pauvres
fabricants, ainsi que des dératés, doivent courir aux antipodes
chercher qui les portera et qui les boira : ce sont des
centaines de millions et de milliards que l’Europe exporte tous les
ans, aux quatre coins du monde, à des peuplades qui n’en ont que
faire [18] . Mais les continents explorés ne sont
plus assez vastes, il faut des pays vierges. Les fabricants de
l’Europe rêvent nuit et jour de l’Afrique, du lac saharien, du
chemin de fer du Soudan ; avec anxiété, ils suivent les
progrès des Livingstone, des Stanley, des Du Chaillu, des de
Brazza ; bouche béante, ils écoutent les histoires
mirobolantes de ces courageux voyageurs. Que de merveilles
inconnues renferme le « continent noir » ! Des
champs sont plantés de dents d’éléphant, des fleuves d’huile de
coco charrient des paillettes d’or, des millions de culs noirs, nus
comme la face de Dufaure ou de Girardin, attendent les cotonnades
pour apprendre la décence, des bouteilles de schnaps et des bibles
pour connaître les vertus de la civilisation.
    Mais tout est impuissant : bourgeois qui
s’empiffrent, classe domestique qui dépasse la classe productive,
nations étrangères et barbares que l’on engorge de marchandises
européennes ; rien, rien ne peut arriver à écouler les
montagnes de produits qui s’entassent plus hautes et plus énormes
que les pyramides d’Égypte : la productivité des ouvriers
européens défie toute consommation, tout gaspillage. Les
fabricants, affolés, ne savent plus où donner de la tête ; ils
ne peuvent plus trouver la matière première pour satisfaire la
passion désordonnée, dépravée, de leurs ouvriers pour le travail.
Dans nos départements lainiers, on effiloche les chiffons souillés
et à demi pourris, on en fait des draps dits de
renaissance
, qui durent ce que durent les promesses
électorales ; à Lyon, au lieu de laisser à la fibre soyeuse sa
simplicité et sa souplesse naturelle, on la surcharge de sels
minéraux qui, en lui ajoutant du poids, la rendent friable et de
peu d’usage. Tous nos produits sont adultérés pour en faciliter
l’écoulement et en abréger l’existence. Notre époque sera appelée
l’
âge de la falsification
, comme les premières époques de
l’humanité ont reçu les noms d’
âge de pierre
, d’
âge de
bronze
, du caractère de leur production. Des ignorants
accusent de fraude nos pieux industriels, tandis qu’en réalité la
pensée qui les anime est de fournir du travail aux ouvriers, qui ne
peuvent se résigner à vivre les bras croisés. Ces falsifications,
qui ont pour unique mobile un sentiment humanitaire, mais qui
rapportent de superbes profits aux fabricants qui les pratiquent,
si elles sont désastreuses pour la qualité des marchandises, si
elles sont une source intarissable de gaspillage du travail humain,
prouvent la philanthropique ingéniosité des bourgeois et l’horrible
perversion des ouvriers qui, pour assouvir leur vice de travail,
obligent les industriels à étouffer les cris de leur conscience et
à violer même les lois de l’honnêteté commerciale.
    Et cependant, en dépit de la surproduction de
marchandises, en dépit des falsifications industrielles, les
ouvriers encombrent le marché innombrablement, implorant : du
travail ! du travail ! Leur surabondance devrait les
obliger à refréner leur passion ; au contraire, elle la porte
au paroxysme. Qu’une chance de travail se présente, ils se ruent
dessus ; alors c’est douze, quatorze heures qu’ils réclament
pour en avoir leur saoul, et le lendemain les voilà de nouveau
rejetés sur le pavé, sans plus rien pour alimenter leur vice. Tous
les ans, dans toutes les industries, des
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