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Le discours d’un roi

Le discours d’un roi

Titel: Le discours d’un roi
Autoren: Mark Logue , Peter Conradi
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lui donnerait l’esprit, la force et l’énergie nécessaires pour ne pas faire défaut à ses sujets.
    N’importe qui se trouvant au centre d’une telle cérémonie – avec une antique couronne de 2,6 kilos sur la tête – aurait été au supplice, mais le roi avait une raison précise de redouter ce qui l’attendait : souffrant depuis l’enfance de plusieurs problèmes de santé, il était en outre affligé d’un bégaiement débilitant. Déjà gênant en petit comité, cela transformait toute intervention publique en une terrible séance de torture. Le roi, pour reprendre les termes de la revue américaine Time, était « le bègue le plus célèbre de notre temps 3  », son nom s’ajoutant à une liste de célébrités qui remontait à l’Antiquité et comportait des gens comme Ésope, Aristote, Démosthène, Virgile, Érasme et Darwin.
    Pis encore, dans les semaines qui avaient précédé le couronnement, le roi avait été la cible d’une campagne de rumeurs attisée par les partisans de son aîné aigri, qui vivait désormais en exil en France. Le nouveau monarque, rapportait-on, était si malade qu’il ne parviendrait pas à supporter la cérémonie du couronnement, et encore moins à s’acquitter de ses fonctions de souverain. La campagne avait été alimentée par la décision du roi de ne pas assister au darbâr, grande célébration orchestrée en son honneur à Delhi, et qui devait avoir lieu, comme l’avait accepté son prédécesseur, pendant la saison froide de 1937-1938.
    Les hôtes étaient attendus à l’abbaye vers 7 heures du matin. La foule les acclamait sur leur passage. Une rame de métro spéciale avait été affrétée de Kensington High Street à Westminster pour les membres de la Chambre des communes, les pairs et pairesses, qui se déplaçaient en grande tenue et portant couronne.
    Logue et son épouse quittèrent leur domicile à 6 h 40. Ils parcoururent les rues désertes en direction du nord, traversant Denmark Hill et Camberwell Green, puis vers l’ouest et le pont de Chelsea reconstruit depuis peu, inauguré à peine une semaine plus tôt par William Lyon Mackenzie King, le Premier ministre canadien venu pour le couronnement. Les agents de police, après avoir vérifié que leur voiture faisait bien partie des véhicules officiels, leur firent signe de passer jusqu’à ce que, juste devant la Tate Gallery, ils se retrouvent pris dans un bouchon formé par tous les véhicules convergeant vers l’abbaye. Ils en sortirent pour s’engouffrer dans l’allée couverte en face de la statue de Richard Coeur de Lion sur Parliament Square. À 7 h 30, ils avaient réussi à se glisser à leurs places.
    Le roi et la reine se rendirent à l’abbaye dans le Gold State Coach, un magnifique carrosse fermé tiré par un attelage de huit chevaux, utilisé pour la première fois par le roi George III pour la cérémonie d’ouverture du Parlement en 1762. Pour le nouveau souverain, la présence de son épouse, la reine Elizabeth, était particulièrement rassurante. Au cours de leurs quatorze ans de mariage, elle avait eu sur lui une influence extrêmement apaisante. Chaque fois qu’il butait au milieu d’un discours, elle lui serrait le bras affectueusement, l’invitant à poursuivre, généralement avec succès.
    Assises dans la loge royale, se tenaient la mère du roi, la reine Mary, et ses deux filles. La plus jeune, la princesse Margaret Rose, âgée de six ans et d’un naturel turbulent même quand tout allait bien, s’ennuyait et se tortillait sur son siège. Tandis que le service religieux continuait, interminable, elle se mettait un doigt dans l’oeil, se tirait les oreilles, balançait ses jambes, posait sa tête sur son bras et chatouillait sa soeur aînée, Elizabeth, nettement plus sérieuse, et qui venait de fêter son onzième anniversaire. Comme d’habitude, la grande dut intimer à sa petite soeur d’être sage. Pour finir, la reine Mary parvint à calmer Margaret Rose en lui donnant une paire de jumelles d’opéra pour regarder autour d’elle.
    Lionel Logue aussi était une présence rassurante, et le fait qu’il assistât à la cérémonie dans une loge en hauteur était la preuve de son importance pour le roi. Se présentant lui-même comme un « colonial typique », Logue, qui en dépit d’une carrière consacrée à l’élocution n’avait jamais vraiment pu se départir de son accent australien, ne semblait pas à sa place parmi les
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