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Le Conseil des Troubles

Le Conseil des Troubles

Titel: Le Conseil des Troubles
Autoren: Frédéric H. Fajardie
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flancs de son cheval qui l'emporta au galop.
    Le duc, pensif, revint vers ses amis et demanda :
    — Des prisonniers ?
    — Leur tirant dans les yeux, ils risquaient peu de survivre ! répondit Clément.
    Hugo intervint à son tour :
    — Que faisons-nous des cadavres? On en trouve certains loin sur la route.
    — Avec ce froid, ils ne vont pas pourrir trop vite. Nous aviserons demain à l'aube avec la charrette et veillerons à les enterrer assez loin.
    — Il y aura des feux follets dans les forêts! remarqua Clément avec une expression enfantine.
    Bamberg et son cousin Worden échangèrent un regard indulgent, et peut-être attendri. Puis le duc lança :
    — Allons voir le survivant, je suis curieux de ce qu'il nous dira.
    ***
    Le vieux chevalier de l'ordre du Temple mordit dans une cuisse de poulet en s'essuyant d'un revers de main, si bien qu'il mettait de la graisse jusqu'en sa belle chevelure blanche.
    Baron, il disait s'appeler Hugues de Pomarès et n'avait jusqu'ici lâché qu'une information importante : en brûlant Jacques de Molay, dernier Grand Maître des Templiers, et avec lui des dizaines d'autres chevaliers, Philippe le Bel avait perdu 90 pour cent du trésor, les fabuleuses archives qui auraient entre-temps disparu dans un incendie et il n'avait point empêché que le Temple survive à travers les descendants de ses martyrs.
    Plus précis encore, le vieux baron expliqua que Templiers, Teutoniques et Hospitaliers constituaient les trois ordres qui s'étaient partagés la Terre sainte, faisant main basse sur des trésors, des reliques, des bibliothèques et des archives d'une incomparable richesse.
    Le vieillard faisait montre d'un stupéfiant appétit et les trois officiers de dragons, qui le voyaient engloutir à lui seul davantage qu'eux trois réunis, s'en montraient très étonnés car l'homme était fort maigre.
    Un peu agacé, Tancrède lança :
    — Ah ça, ils ne vous nourrissent donc pas, vos amis templiers ?
    L'autre, qui rongeait un os, suspendit un instant son geste :
    — C'est que j'ai toujours faim et comme je ne grossis jamais, j'ignore quand je dois m'arrêter!
    Déjà, avant qu'il ne lui conseille de s'en aller coucher voilà près de vingt minutes, Marie-Thérèse avait remarqué :
    — Monseigneur, comme cet homme mange !
    Pris de court, le duc avait répondu :
    — Ah, tu as remarqué cela.
    — Vous avez raison, Monseigneur, c'est un monstre !
    Les jambes un peu engourdies, le duc de Bamberg se leva et regarda par la fenêtre. Le vent fou, déchaîné, arrachait des branches mortes. Seule sur son arbre, Iseult le contemplait. Il lui adressa un petit signe en levant discrètement la main. La chouette, puisque Iseult en était une, lui répondit par un cri sinistre en lequel une oreille experte eût cependant distingué une sympathie certaine, voire une camaraderie ancienne.
    C'est qu'il existait entre eux des connivences, comme celle d'y voir la nuit, exercice où ils excellaient tous deux. Quelquefois, Hugo et Clément arbitraient leurs jeux. Ainsi, l'un d'entre eux lançait un caillou enveloppé dans une peau de renard trouvé mort contre une clôture. Bien entendu, on choisissait des nuits noires et sans lune. À peine la chose lancée, l'homme et la chouette s'élançaient. Parfois, tous deux roulaient à terre, celui-ci y gagnant quelques griffures, celle-là y laissant quelques plumes et la victoire souriait tantôt à l'un, tantôt à l'autre.
    C'est Clément qui avait baptisé la chouette Iseult. Va pour Iseult, mais lorsqu'on lui demanda la raison d'un pareil choix, celui qui tant ressemblait à feu le connétable Du Guesclin avait écarté les bras en signe d'impuissance, l'air désolé, avant de répondre assez pauvrement :
    — Mais pourquoi pas Iseult?
    Que répondre à cela?
    Ainsi était Clément de La Mothe-Sislées, plein de courage, très brave, mais l'esprit parfois absent et la tête pleine d'imaginations vagues. De cela, Bamberg et son cousin Worden concluaient qu'il n'avait point totalement pris congé du monde de l'enfance. Mais eux-mêmes qui organisaient avec leurs rudes dragons des jeux de colin-maillard, cligne-musette ou cache-cache mitoulas 1 , déchaînant rires et hurlements de joie, ces hommes qui pouvaient incendier des villes sans frémir, l'avaient-ils à tout jamais abandonné ce monde bleu, rose et doré des petits garçons ?
    Bamberg revint s'asseoir à table, dépliant son long corps mince sur une chaise étroite à l'instant où le
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