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Le Conseil des Troubles

Le Conseil des Troubles

Titel: Le Conseil des Troubles
Autoren: Frédéric H. Fajardie
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moine, les trois soldats s'en amusèrent et décidèrent de n'en tenir aucun compte.
    Celui qui portait une barbe rousse fit un compliment, en fait, une amorce de proposition :
    — Ton cheval me plaît beaucoup, moine.
    — Il plaît à tous.
    — Tous, cela m'importe peu. Moi, il me plaît, je le veux et te l'achète.
    — Il n'est point à vendre.
    Feignant d'être vexé, le soldat à barbe rousse prit ses deux compagnons à témoins :
    — Ce moine n'est guère poli qui n'écoute pas même la proposition d'un brave soldat.
    Frère Antonio, rompu à ce genre de situation, l'encouragea à parler d'un geste irrité qui figurait un moulinet. L'homme à barbe rousse ne se fit pas prier :
    — Voilà mon prix : tu me donnes ton cheval, je te laisse la vie.
    Les deux autres approuvèrent en posant d'un geste éloquent la main sur la garde de leur épée.
    — Pourtant, je ne le veux point ainsi.
    — Quoi, moine, souhaites-tu donc mourir ici, dans la neige et le soir qui tombe ? C'est pure folie ! Les fatigues du voyage t'auront affaibli, songes-y, quand nous, nous attendons en bon repos les Français qui ne se montrent guère.
    Frère Antonio regarda le ciel neigeux qui prenait la couleur de l'étain et répondit d'une voix évangélique :
    — Ah, sans doute, la fatigue... À quoi s'ajoutent mes extases et l'apparition récente de stigmates. Je suis en effet bien las mais dans ces instants, je songe à notre saint François d'Assise et il arme mon courage et ma résolution un instant défaillants.
    — N'écoute point trop les saints, ils n'entendent rien à la finesse des lames. Pour ce qui nous occupe, songe à cela : souhaites-tu mourir pour un cheval ?
    Frère Antonio ébaucha un petit geste désinvolte :
    — Eh bien oui, Messeigneurs, j'entends prendre ce risque car je me rends au royaume des lys.
    Le soldat ébaucha un sourire, plein de compassion :
    — Avec la guerre?... Toutes ces armées?... Et les mauvaises gens qui étripent les voyageurs sur le chemin?... Mais tu es déjà mort, moine !
    Il se tourna vers ses camarades :
    — Cet homme est mort. Existe-t-il forme de crime à détrousser un mort ?
    — Assurément non ! répondit le premier.
    Le second, plus âgé et plus méfiant, questionna d'une voix désagréable :
    — Moine, que vas-tu faire en le royaume des lys ?
    Frère Antonio, par pur amusement, décida de répondre la plus stricte vérité :
    — C'est qu'en l'entourage de notre pape bien-aimé, il fut surpris certains murmures parmi les froissements de soutane. J'ai pour tâche d'y mettre bon ordre.
    Les trois hommes partirent à rire puis le soldat à barbe rousse demanda :
    — Et c'est à toi que le pape a demandé la chose ?
    — À moi seul, et exactement comme je te parle.
    Contrairement à ses deux compagnons, le soldat plus âgé retrouva vite sa morgue et, s'adressant aux siens :
    — Qu'on en finisse, tuons ce moine et prenons le cheval.
    Aussitôt, les regards des trois hommes devinrent ceux d'assassins.
    La transformation fut des plus rapides mais si on la pose en termes d'éternité, force est de reconnaître que le temps de réaction des soldats fut encore trop long.
    Saisissant son pistolet passé à la ceinture, le moine tua le soldat à barbe rousse, assurément le plus dangereux, d'une balle en plein front. Faisant glisser un poignard qui se trouvait dissimulé en sa manche, il le lança en la gorge du second soldat. Enfin, il fut en garde devant le plus âgé, celui à la voix tant désagréable. En trois passes nerveuses, la lame traversa le coeur du militaire.
    Le moine récupéra ses différentes armes, les nettoya aux uniformes des morts et, comme il aimait plaisanter, il joignit les mains ainsi que s'il priait, leva un regard fervent vers le ciel et expliqua à Dieu :
    — Pardonne-leur, Seigneur, ils ne savaient pas à qui ils s'attaquaient.
    Une fois en selle, il ajouta pour lui-même :
    — Dommage. L'eussent-ils su, ils auraient fui à toutes jambes.
    Frère Antonio poussa son cheval dans la neige.
    Il s'appelait en réalité Giovanni Gazzi, marquis de Pontecorvo, et se trouvait depuis trois ans général des Jésuites. Il aimait la bonne chère, les femmes corpulentes et les chevaux rapides.
    Cependant, il lui était toujours beaucoup pardonné quant aux commandements régulièrement bafoués. N'était-il pas l'homme du pape pour les missions difficiles et confidentielles ?
    Or, celles qui l'amenaient étaient sans doute les plus délicates de sa carrière. En
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