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Le Code d'Esther

Le Code d'Esther

Titel: Le Code d'Esther
Autoren: Bernard Benyamin , Yohan Perez
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temps. Le moindre bruit la faisait sursauter, et il n’était pas rare qu’elle cherche alors à se cacher dans la maison. Elle avait peur que quelqu’un n’entre chez elle, qu’une horde de nazis ne débarque, casse tout et la tue à mains nues. Elle avait peur lorsque quelqu’un frappait à la porte, lorsqu’elle entendait quelqu’un courir dans la rue. Elle vivait dans un état de terreur constante. »
    Arno Hamburger se sert du thé et le boit doucement, les yeux fixés sur la nappe blanche qui recouvre la table. Ses épaules se sont un peu voûtées, ses gestes se sont ralentis. Je m’en veux d’avoir fait resurgir un passé qu’il s’efforce non pas d’oublier mais de maîtriser, pour tenter de vivre avec.
    Je rassemble mes affaires et je vais essayer de prendre congé de mon hôte en toute discrétion. Pourtant, au moment de partir, je lance une dernière question sans conviction, plus pour changer de sujet et dissiper les brouillards de la mémoire que dans l’attente d’une véritable réponse :
    « Et Julius Streicher… Nuremberg était son fief, sa région… Qu’est-ce que vous pensez de lui ? »
    Mon interlocuteur lève lentement les yeux vers moi. Je vois son visage se durcir et sa bouche se tordre un court instant, avant de revenir à une expression plus douce.
    « Streicher ? Ce n’était pas un être humain. Je me souviens très bien de lui… C’était au début des années 1930, j’étais un jeune garçon d’une dizaine d’années à l’époque… Il organisait ces énormes démonstrations de nazis dans Nuremberg. Il fallait le voir parader parmi ses troupes, il se sentait omnipotent, se prenait pour le roi du monde. Abject, sale, dégoûtant ! Il crachait ses injures sur les Juifs, encouragé par les vivats de ses partisans. Ce n’était pas un homme. C’était une bête immonde. C’est simple : vous savez que dans la religion juive, dans le Livre d’Esther, il y a ce fameux Premier ministre d’Assuérus, Aman, qui est considéré comme le plus grand ennemi du peuple juif. Eh bien, je peux vous dire que, à côté de Streicher, Aman était un ami de l’humanité. Ma mère en avait très peur. »
    Rentré à l’hôtel, je remets en ordre toutes mes notes ; et ce soir, oui Yohan, j’ai senti les chiens se rapprocher…
     
     
    Je n’imaginais pas une seule seconde qu’il puisse faire soleil sur Nuremberg. La météo me donne raison : en ce dimanche matin, le temps est gris et froid, peu propice aux sorties. Voilà qui explique peut-être les rues désertes où résonne à intervalles réguliers le carillon des églises. Pourtant, je suis sûr que le printemps bavarois doit être d’une douceur incomparable, que les arbres doivent alors se couvrir de bourgeons vert tendre et qu’ici comme ailleurs les parcs doivent retentir de cris d’enfants heureux de pouvoir jouer au grand air. C’est en tout cas l’idée que je me fais de Nuremberg en avril ou en mai – encore que, pour être tout à fait sincère, j’avoue avoir du mal à imaginer Nuremberg autrement qu’en noir et blanc tant son passé nazi colle encore à la peau de cette ville. J’ai tort, je le sais, mais, malgré tous mes efforts, je ne parviens pas à me débarrasser de ces images et bandes d’actualité qui ont fait de cette ville de Bavière l’un des pires cauchemars de l’humanité. J’essaie pour l’heure de me concentrer sur la moindre tache de couleur que je parviens à accrocher à travers les vitres de l’autobus 36 me conduisant au Centre de documentation. Et c’est probablement mieux ainsi : quelle tournure prendrait une enquête sur le procès de Nuremberg sous un soleil accablant et une température étouffante ? Non, tout compte fait, je garde le ciel menaçant, les nappes de brouillard et la pluie glacée qui tombe désormais : je n’aurai pas à forcer mon imagination dans l’évocation de l’horreur.
    Il y a de plus en plus de bois et de forêts. On sort de la ville et on s’enfonce dans la campagne. Les barres d’immeubles gris s’effacent devant des maisons individuelles, cossues, respirant l’aisance : la bourgeoisie de Nuremberg a investi les terres où Hitler et son architecte, Albert Speer, ont laissé libre cours à leurs rêves les plus mégalomaniaques.
    Située au centre de l’Allemagne, Nuremberg disposait alors de très bonnes infrastructures, en particulier d’un remarquable réseau de chemins de fer qui permettait
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