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Le Code d'Esther

Le Code d'Esther

Titel: Le Code d'Esther
Autoren: Bernard Benyamin , Yohan Perez
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Yohan : le stade du Zeppelin.
    Je dois contourner le lac et marcher une quinzaine de minutes dans la forêt. J’en avais besoin ! Je remplis d’air mes poumons, retrouvant avec délices le froid de cette fin novembre, qui m’aide à dissiper la présence écrasante de la masse rouge brique que je laisse sur ma droite. Quelques joggers courageux croisent de rares promeneurs chaudement équipés qui tiennent en laisse leur chien trop heureux de s’ébrouer parmi les feuilles mortes bordant le lac. Au passage, j’aperçois la fameuse Grand-Rue, longue de 2 kilomètres et large de 60 mètres, qui devait relier les différents bâtiments entre eux et servir pour les défilés de la Wehrmacht. Elle est utilisée aujourd’hui, clin d’œil de l’histoire, comme parking pour le Centre de documentation.
    J’approche déjà du stade…
    La première impression déçoit : quelques gradins en pierre blanche, une tribune de 360 mètres – j’ai lu quelque part qu’elle s’inspirait d’un bâtiment antique : le Grand Autel de Pergame – et un petit balcon en avancée… C’est à peu près tout ce qu’il reste du stade aujourd’hui. Pourtant, c’est ici qu’au temps de sa splendeur Hitler organisait des rassemblements de 300 000 personnes littéralement électrisées par ses discours. Elles hurlaient leur attachement indéfectible au Reich au rythme des tambours de la Wehrmacht et du claquement des immenses drapeaux rouge et noir ornés du svastika. Mais c’est la nuit que le lieu devenait magique : alors qu’au sol les retraites aux flambeaux à la chorégraphie impeccable animaient le stade, 150 projecteurs de DCA lançaient leurs rayons à 8 000 mètres dans le ciel, illuminant le Zeppelin telle une « cathédrale de lumière », selon le mot d’Albert Speer. Pour la petite histoire, Göring ne voulait pas se défaire de ces projecteurs de DCA, estimant qu’il n’en aurait pas assez pour couvrir tout le territoire allemand le jour où la guerre éclaterait. Hitler lui conseilla d’accepter : « Ainsi, lui dit-il, le monde entier pensera que nous en possédons des milliers. »
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    Je gravis à présent les gradins, rendus glissants par la pluie. Çà et là, des graffitis et des cœurs gravés dans la pierre dont je doute qu’ils datent de la période hitlérienne. Et me voici enfin au balcon d’où Hitler lançait ses diatribes au monde entier, à son tour galvanisé par la foule en contrebas. Je m’approche doucement, prenant appui sur la balustrade, tous les sens aux aguets. La forêt bleutée encadre l’horizon et trace les limites d’un terrain de football entouré de friches à l’endroit où se tenait la foule. C’est immense, gris et désespérément banal. Je fais le vide en moi, essayant de percevoir les échos du passé, et je ferme les yeux. Quelques secondes, une minute peut-être et… rien ! Yohan m’a dit que je devais rester dix bonnes minutes pour espérer déclencher une vague de sensations. Mais il n’avait pas prévu la pluie qui traverse mes vêtements, une pluie fine et glacée qui coule le long de mon cou et s’infiltre dans mon dos. Allez, un effort, je ne vais pas abandonner si facilement ; mais ce serait tout de même idiot d’attraper une pneumonie juste pour se laisser envahir de dégoût et d’effroi à l’égard d’un individu qui haranguait les foules dans les années 1930 à la tribune du Zeppelin ! L’eau, le long de ma colonne vertébrale, m’empêche de me concentrer, mais je tiens bon en m’accrochant au balcon. J’ai les mains gelées et je commence à frissonner. Tant pis, j’ouvre les yeux ! Aucun souffle maléfique, aucun fantôme. La magie noire n’a pas opéré, et, pour dire la vérité, je n’en suis pas mécontent. Mon « capital épouvante » a été largement entamé depuis ce matin.
    C’est en quittant la tribune que je tombe sur une bande de jeunes Allemands qui traînent nonchalamment, malgré la pluie, sur les gradins. Avec leurs jeans et leurs anoraks à capuche, dont on ne sait s’ils les portent pour se protéger de l’eau qui tombe ou pour être tendance, ces adolescents ressemblent trait pour trait aux jeunes de Paris, de Londres ou de Madrid. Bizarrement, cette similitude me rassure et m’engage à entamer une conversation avec eux, après m’être assuré qu’ils
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