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Le chant du départ

Le chant du départ

Titel: Le chant du départ
Autoren: Max Gallo
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Liamone aux flots tumultueux.
    Letizia Bonaparte avait voulu traverser la rivière à gué, mais le cheval avait perdu pied, emporté par le courant. Charles Bonaparte s’était jeté à l’eau pour secourir sa femme enceinte et son fils Joseph, mais Letizia avait réussi à dompter la monture et à la diriger vers l’autre rive.
    Que pouvaient savoir les Français, l’abbé Chardon, les élèves du collège d’Autun, de ces Corses, de la Corse, eux qui ignoraient la rumeur de la mer, l’intimité des ruelles bordant le port et la couleur ocre de la forteresse d’Ajaccio dominant la baie ?
    Napoléon pensait à ses courses, aux combats qu’il livrait face à d’autres enfants, comme lui du Sud, parlant comme lui cette langue expressive, chaleureuse, parfois se moquant de lui, de sa tenue négligée.
    Napoleone di mezza calzetta
    Fa l’amore a Giacominetta
    « Napoléon demi-chaussettes
    Fait l’amour à Jacquelinette »
    Il se jetait sur eux, il entraînait la petite fille, camarade de classe, à l’école des soeurs béguines où il apprenait l’italien.
    Plus tard, à huit ans, il arpenterait avec elle les quais du port. Mais il était déjà loin d’elle. Il étudiait l’arithmétique, il se retirait dans une cabane de planches construite à l’arrière de la maison. Il calculait seul, seul toute la journée, puis il sortait le soir, dépenaillé, indifférent, rêveur.
     
    Ne rien dire de tout cela. Le garder pour soi.
    Apprendre le français.
    Ils défilaient, ils paradaient, les soldats du roi vainqueur, dans les rues d’Ajaccio, dans cette ville qui vibrait encore des luttes récentes, des oppositions entre les clans, entre ceux qui avaient choisi Pascal Paoli réfugié en Angleterre et ceux qui avaient rejoint les Français.
    L’enfant savait bien que son père, Charles Bonaparte, était de ces derniers.
    Le gouverneur de Corse, M. de Marbeuf, était le bienvenu à la maison rue Saint-Charles, vieux séducteur attiré peut-être aussi par la beauté de Letizia.
    Charles Bonaparte, de famille à quatre quartiers de noblesse attestés par les généalogistes de Toscane, d’où les ancêtres étaient originaires, avait conquis le gouverneur, qui cherchait des appuis parmi les notables prêts à se rallier à la France.
    Charles avait joué cette carte. Il le fallait bien, pour obtenir charges, rentes, subsides.
    Il avait été élu le 8 juin 1777 député de la noblesse, délégué aux états généraux de Corse à Versailles. Il était rentré à Ajaccio ébloui par la puissance du royaume de France, ses villes, ses palais, son organisation et ce nouveau souverain débonnaire, Louis XVI. Il avait été solliciteur, quémandeur, cherchant à obtenir des bourses pour ses fils, l’aîné, Joseph, promis à l’état ecclésiastique, Napoléon à la carrière des armes.
    L’enfant de huit ans, dans la maison ajaccienne, a écouté.
    Il suit les défilés dans les rues d’Ajaccio. Il est fasciné par ces officiers de belle prestance en uniforme bleu et blanc. Il dessine des soldats, il range ses figurines en ordre de bataille. Il joue à la guerre. Il est un enfant du Sud qui court les rues, grimpe jusqu’à la citadelle, se roule dans la terre, conduit une bande de garnements, s’expose à la pluie parce qu’un futur soldat doit être endurant. Il change son pain blanc contre le pain bis d’un troupier parce qu’il faut s’accoutumer à l’ordinaire des régiments.
    Quand il apprend que son père a obtenu une bourse pour lui et pour Joseph, qu’ils vont tous deux étudier au collège d’Autun, où Joseph demeurera puisqu’il est destiné à l’Église, et que lui rejoindra, dès qu’il saura le français, une École Royale Militaire, il est à la fois tremblant d’enthousiasme et déchiré à l’idée de quitter sa mère, sa famille, sa maison, sa ville.
    Mais il le faut. D’autres enfants sont nés : Lucien en 1775, Marianna Élisa en 1777. Puis viendront Louis (1778), Pauline (1780), Marie Annonciade Caroline (1782) et Jérôme (1784).
    Certes, les Bonaparte et les Ramolino ne sont pas pauvres. Ils possèdent trois maisons, des vignes, la propriété de Milelli et les terres de la Pépinière, un moulin, des biens-fonds à Ucciani, à Bocognago, à Bastelica. Ils ont de l’influence. Leurs familles constituent un véritable clan. Mais il faut penser à la carrière des enfants, tenir son rang dans la noblesse de ce royaume dont désormais la Corse fait partie.
    Joseph serait
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