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Le Chant de l'épée

Le Chant de l'épée

Titel: Le Chant de l'épée
Autoren: Bernard Cornwell
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les hommes poussaient de leurs rames contre la rive
pour le dégager. Le navire s’ébranlait vers nous, porté par le courant. Ralla
me jeta un regard.
    — Maintenant, dis-je. Coupez l’amarre !
    À la proue, Cerdic trancha la corde de cuir
qui nous retenait au saule. Nous n’avions sorti que douze avirons, qui
plongèrent dans l’eau tandis que je remontais entre les rameurs.
    — Tuons-les tous ! hurlai-je.
    — Nagez ! cria Ralla aux douze
hommes courbés sur leurs rames.
    — Nous tuerons ces chiens jusqu’au
dernier ! criai-je en montant sur la plate-forme où m’attendait mon
bouclier. Tous ! Tous !
    Je me coiffai de mon casque, hissai mon
bouclier et tirai Souffle-de-Serpent de son fourreau gainé de peau de mouton. Elle
ne chantait plus. Elle hurlait. Mes hommes ramaient toujours, et devant nous l’ennemi
surpris lâcha ses avirons pour se précipiter sur ses armes dans les cris des
femmes.
    — Nagez ! cria Ralla.
    Notre navire sans nom s’élança dans le courant
tandis que le Viking dérivait vers nous, avec sa tête de monstre aux crocs
blancs et à la langue rouge.
    — Maintenant ! criai-je à Cerdic.
    Il lança sur la proue un grappin qui s’enfonça
dans le bois et tira sur la chaîne pour l’attirer vers nous.
    — Tue ! hurlai-je en m’élançant.
    Oh, la joie d’être jeune, d’avoir la force de
mes vingt-huit ans et d’être un seigneur de guerre… Tout s’est enfui désormais,
il ne me reste plus que des souvenirs qui pâlissent. Mais la joie est gravée
dans ma mémoire.
    Souffle-de-Serpent trancha la gorge de l’homme
qui tentait de dégager le navire et son sang éclaira cette journée d’hiver en m’éclaboussant
le visage. J’étais la mort qui surgissait à l’aube, la mort ruisselante de sang
en maille, cape noire et casque orné d’une tête de loup.
    Je suis un vieillard, à présent, et si vieux… Ma
vue baisse, mes membres sont las et endoloris, et si je m’assoupis au soleil je
me réveille plus las encore. Mais je me rappelle ces combats anciens. Ma
nouvelle épouse, une femme pieuse, sotte et geignarde, frémit quand je les lui
raconte, mais que reste-t-il aux vieillards sinon les histoires ? Elle a
protesté un jour qu’elle ne voulait rien savoir de ces corps décapités d’où
jaillissait le sang clair, mais sans ces récits comment préparer nos jeunes
pour les guerres qu’ils devront livrer ? J’ai combattu toute ma vie. C’était
mon destin comme celui de nous tous. Alfred voulait la paix, mais elle lui
échappait. Danes et Norses venaient, et il n’avait d’autre choix que se battre.
Puis une fois Alfred mort et son royaume puissant, vinrent encore d’autres
Danes, des Norses, puis des Bretons des Galles, et des Scotes du Nord. Que fait
un homme, sinon combattre pour sa terre, sa famille et son pays ? Je
regarde mes enfants, leurs enfants et ceux de leurs enfants, et je sais qu’ils
devront se battre, qu’aussi longtemps qu’existera une famille du nom d’Uhtred
et un royaume sur cette terre balayée par les vents, il y aura la guerre. Aussi
ne devons-nous pas reculer et frémir devant sa cruauté, le sang et la puanteur,
son horreur comme ses joies, car la guerre viendra à nous, que nous le
souhaitions ou non. La guerre est le destin et Wyrd bid ful årœd  :
« Nul n’arrête le destin. »
    Aussi raconté-je ces histoires pour que les
enfants de mes enfants sachent leur destin. Ma femme geint, mais je la force à
écouter. Je lui raconte comment notre navire fracassa le flanc de l’ennemi, le
poussant contre la rive. Comme je l’avais voulu, et comme Ralla y est parvenu. Sous
le choc, les rames du Dane se brisèrent tandis que mes hommes sautaient à son
bord en faisant tournoyer haches et épées. Souffle-de-Serpent était l’instrument
de la mort. C’était et c’est encore une lame chérie, forgée dans le Nord par un
Saxon qui connaissait son métier. Il avait pris sept tiges, quatre de fer et
trois d’acier, chauffées et martelées pour façonner une unique épée à double
tranchant. Les quatre tiges de fer plus tendre, enroulées sur elles-mêmes dans
le feu, gardaient une trace qui ressemblait au souffle ardent d’un dragon, et c’est
ce qui avait valu son nom à Souffle-de-Serpent.
    Je parai de mon bouclier le coup de hache d’un
barbu que j’embrochai d’un seul coup, retournant ma lame dans sa bedaine avant
de la retirer, répandant ses tripes au soleil, tout en esquivant un coup
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