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Le bouffon des rois

Le bouffon des rois

Titel: Le bouffon des rois
Autoren: Francis Perrin
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justice que les deux rois précédents ne l’ont
pas ménagé et lui ont mené dure existence. Vous ne pouvez vous rappeler le roi
Louis le onzième, vous deviez avoir quatre ans quand il est mort. Son règne fut
celui de la terreur. C’était un homme méchant au plus profond de son âme,
envieux, dangereux et d’une rancune tenace. Il craignait que notre roi Louis
qui était alors duc d’Orléans ne lui succède sur le trône de France. Il le
haïssait depuis qu’il avait appris que Louis n’était qu’un bâtard. En effet, il
était le fruit des amours de sa mère Marie de Clèves, à la cuisse ô combien
légère, et de son valet de chambre. Néanmoins, son mari Charles avait reconnu
l’enfant, ce qui faisait de Louis l’héritier mâle de la maison d’Orléans.
    « Louis XI qui voulait absolument un fils pour
porter la couronne de France ne supporta pas cette éventualité, d’autant plus
que Charles d’Orléans lui demanda d’être le parrain de son petit Louis. Le
grand Louis ne put refuser, et le jour du baptême, tenant le “bébé-bâtard” dans
ses bras, il songea à le noyer dans le bénitier, mais son filleul, devançant
les intentions de son parrain, urina abondamment sur la manche royale. Celui
qui sera roi de France trente-six ans plus tard se permettait de pisser sur le
roi en exercice ! »
    Cette anecdote déclencha chez moi une si forte hilarité que
Le Vernoy dut se fâcher pour me faire taire, craignant toujours que l’on
entendît ses propos et qu’on les rapportât à Sa Majesté, et par là risquer de
tenir compagnie aux rats de Nago.
    Je dois t’avouer que tout ce qui se rapportait à la pisse,
au pet ou à la merde m’amusait fort et j’en fis d’ailleurs profiter longtemps
les cours de France qui étaient fort portées sur les plaisanteries
scatologiques.
    Voyant que j’avais ravalé mon fou rire, mon précepteur
continua :
    « Depuis l’épisode de sa manche arrosée, la colère de
Louis XI n’allait jamais cesser de croître. Quand il fomentait une
vengeance, il n’y avait personne au monde qui fût plus dangereux que lui. On
disait qu’il faisait non seulement peur aux hommes mais aussi aux arbres et sa
réputation était loin d’être usurpée.
    « Ne pensant qu’à neutraliser ce filleul trop
encombrant, une idée machiavélique jaillit de son esprit malveillant un peu
plus d’un an après le fameux baptême urineux : en avril 1464, sa femme
Charlotte de Savoie tout en admiration et grosse de son mari lui donne un
enfant. Mais ce n’est pas l’héritier mâle tant attendu, c’est une fille laide,
rachitique et, l’on s’en rendra compte quelque temps après, atteinte d’une
déviation de la colonne vertébrale, difforme et affublée d’un pied bot. Sa rage
va aussitôt se transformer en diabolique vengeance : la fiancer tout de
suite à son filleul. Il écrit au père de Louis d’Orléans, lui faisant part de
son idée de projet matrimonial pour les deux bébés en se gardant bien de
décrire les infirmités de sa fille. Et ce qu’il escomptait lui revint par
retour de courrier : Charles, flatté de cette démarche, accepta avec
enthousiasme. On fiance les deux enfants d’abord par procuration, avant de
signer le contrat de mariage qui transforme la rage du souverain en un ricanement
intérieur ininterrompu. Sa diabolique vengeance est assouvie : jamais
Louis n’aura de progéniture avec l’infirme et la dernière maison féodale des
Orléans sera éteinte. »
    Ma bouche s’ouvrit toute grande, cette fois-ci, non pour
laisser échapper un éclat de rire mais pour manifester un étonnement qui dut
passer pour un doute que Le Vernoy ne me permit pas d’exprimer :
    « Notre roi est même en possession d’une preuve
irréfutable qu’il conserve en un endroit secret et qu’il m’a fait lire. C’est
un écrit confidentiel de Louis XI à son favori Antoine de Chabannes qui
dit mot pour mot :
    “Monsieur le Grand Maître, je me suis libéré de faire le
mariage de ma petite fille Jeanne et du petit duc d’Orléans parce qu’il me semble
que les enfants qu’ils auront ensemble ne me coûteront guère à nourrir. Vous
avertissant que j’espère faire ledit mariage, ou autrement ceux qui iront au
contraire ne seront jamais assurés de leur vie en mon royaume.”  »
    Et Le Vernoy enchaîna, pressé d’en finir avec ces
confidences :
    « Tant que Jeanne resta petite fille, on pouvait cacher
habilement ses infirmités, sa
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