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L'arc de triomphe

L'arc de triomphe

Titel: L'arc de triomphe
Autoren: E.M. Remarque
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Tu laisseras ce que tu ne veux pas boire.
    –  C’est du gaspillage. »
    Il étudia le visage sérieux, intelligent, et sourit.
    « Et pour quoi économiserais-tu ? Tu te dépenses bien sans compter, ici ?
    –  C’est les affaires. C’est autre chose. »
    Ravic se mit à rire.
    « Tiens, je propose un toast. Buvons à la conscience des affaires, sans laquelle le monde ne serait qu’un ramassis de criminels, d’idéalistes et de fainéants !
    –  Toi, ce qu’il te faut, c’est une femme, déclara Rolande. Tu veux Kiki ? Elle est très bien… vingt et un ans…
    –  Vingt et un ans… Elle aussi… Non, pas ce soir, décidément. »
    Ravic emplit de nouveau son verre.
    « Rolande, à quoi songes-tu avant de t’endormir ?
    –  À rien, la plupart du temps. Je suis trop fatiguée-.
    –  Et quand tu n’es pas fatiguée ?
    –  Alors, je pense à Tours.
    –  À Tours ? Pourquoi ?
    –  J’y ai une tante qui possède une maison et une petite boutique. J’ai deux hypothèques sur son bien. À sa mort – elle a soixante-seize ans – tout me reviendra. Je compte faire de la boutique un café. J’ai tout décidé : une tapisserie claire avec des fleurs, un orchestre de trois musiciens, un piano, un violon et un violoncelle ; et un bar à l’arrière. Pas grand, mais comme il faut. La maison est dans un bon quartier. Une fois meublée, il me restera cinq mille francs en réserve, pour le début. Et j’aurai les loyers du premier et du second étage.
    –  C’est là que tu es née ?
    –  Oui, mais personne ne sait ce que j’ai fait depuis. Et si mes affaires marchent, personne ne s’en inquiétera. L’argent couvre tout, tu le sais.
    –  Pas tout, mais bien des choses. »
    Derrière ses paupières, Ravic sentait la fatigue s’appesantir.
    « Je crois que j’en ai assez. »
    Il tira quelques billets de sa poche.
    « Et à Tours, tu vas te marier, Rolande ?
    –  Pas tout de suite, mais un peu plus tard. J’ai un ami là-bas.
    –  Tu le vois de temps à autre ?
    –  Rarement. Il m’écrit quelquefois. Pas à cette adresse bien entendu. Il est marié, mais sa femme est à l’hôpital. La tuberculose. Alors, les médecins lui donnent encore un an, deux tout au plus. Après cela, il sera libre.
    –  Dieu te bénisse. Au moins toi, tu as du bon sens. »
    Elle sourit. Elle sentait qu’il disait vrai. Son visage ne portait pas la moindre trace de fatigue. Elle était aussi fraîche qu’au réveil. Elle savait ce qu’elle voulait. Pour elle, la vie n’avait pas de secrets.
    Dehors, il faisait jour. La pluie avait cessé. Au coin des rues, les chalets d’aisance prenaient des airs de tourelles blindées. Le portier avait disparu avec la nuit ; le jour était venu. Une foule affairée se hâtait vers les bouches du métro… On eût dit qu’elle s’y jetait en sacrifice à quelque infernale déité.
    Lorsqu’il entra, la femme couchée sur le canapé sursauta, poussa un petit cri à demi étouffé, puis resta appuyée sur les coudes, toute transie.
    « N’ayez pas peur : celui qui vous a amenée ici il y a quelques heures. »
    Elle poussa un soupir de soulagement. Ravic la distinguait mal. La lumière des lampes électriques, se mêlant au jour qui perçait à travers les rideaux, formait une clarté pâle, d’un jaune maladif.
    « Je crois qu’on peut éteindre maintenant », dit-il en joignant le geste à la parole.
    Il avait conscience de l’ivresse qui lui martelait les tempes. Il avait complètement oublié la femme et, lorsqu’il avait pris sa clé au tableau, il avait pensé qu’elle était partie. Il aurait bien voulu être débarrassé d’elle.
    Il avait passablement bu, les limites de sa mémoire s’étaient déplacées, la chaîne du temps s’était rompue, souvenirs et rêves le harcelaient avec insistance.
    « Voulez-vous du café, demanda-t-il. C’est la seule chose qui soit buvable ici. »
    Elle fit non de la tête. Il la regarda plus attentivement.
    « Qu’y a-t-il ? On est venu ici ? Il y a pourtant quelque chose. Vous me regardez comme si j’étais un spectre !
    –  Non. »
    Il dit presque sans remuer les lèvres :
    « L’odeur ?
    –  Oui, la même odeur…
    –  Bon Dieu ! Ce doit être l’éther. C’est bien ça ? C’est l’éther ? »
    Elle fit un signe affirmatif.
    « Vous avez déjà été opérée ?
    –  Non… C’est… »
    Ravic ne l’écoutait même pas. Il ouvrit la
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