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L'absent

L'absent

Titel: L'absent
Autoren: Patrick Rambaud
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cuir noir contenant les joyaux que Pauline donnait à son frère. Une légère
brise se leva et un pêcheur dit à Forli, enragé par son impuissance :
« Le vent du sud souffle au large. »

 
CHAPITRE VI
Il revient
    Le vent du sud s’était levé au milieu de la nuit, léger mais
favorable, et il poussait la flottille alors même qu’il bloquait dans le port
de Livourne le navire de Campbell. Les chasseurs, les lanciers, les volontaires
avaient embarqué avec peu de bagages sur les bateaux petits et lents qui
suivaient L’Inconstant, où cinq cents grenadiers se serraient sur le
pont et dans la cale au milieu des canons. Personne ne connaissait la
destination mais tous la devinaient :
    — L’armée du roi de Naples nous attend.
    — Nous allons à Viareggio.
    — Non, à Vado.
    — De toute façon, disait un grenadier, nous allons à
Paris et qu’importe le chemin.
    La lune était claire, ils parlaient et ne dormaient pas.
L’Empereur monta sur le tillac vers l’aurore ; il vit le soleil levant
éclairer en jaune le sommet des montagnes de l’île d’Elbe, à vingt milles de
là. Il ne se posait plus de questions. La veille, quand il était dans le canot
pour gagner son brick, une Marseillaise impétueuse avait retenti sur
tous les bateaux, reprise en chœur par les Elbois des quais et des remparts, et
le chant avait couru de colline en colline, ce vieil hymne de la Révolution
interdit sous l’Empire que Napoléon allait reprendre à son compte comme un
symbole revenu : n’allait-il pas comme naguère lutter contre les
rois ? Il avait aussi songé que ses ennemis lui tendaient un piège. En ne
lui versant pas la rente promise, en lui envoyant des émissaires dont tous
n’étaient pas honnêtes pour lui brosser un tableau affreux de la nation, en le
poussant à revenir, ne voulait-on pas le transformer en hors-la-loi pour mieux
l’abattre ? C’était envisageable. Tant pis, se disait-il. Il n’avait pas
l’âme d’un roitelet, il regardait s’éteindre les dernières étoiles dans un ciel
éclairci, forcerait la chance une fois encore. Dès le mois de septembre il
avait pensé à ce retour, quand un riche gantier de Grenoble, M. Dumoulin,
était venu à ses frais le visiter pour lui affirmer que les villes des Alpes
lui étaient acquises. Il avait donc prévu le chemin de Paris, en évitant le
Midi douteux, et préférait remonter par des sentiers sous la neige, en évitant
les agglomérations, jusqu’à Grenoble où il se pensait attendu. Les soldats qui
servaient le roi de France à contrecœur, ils étaient les siens, d’abord, et aucun
d’eux ne lèverait son fusil contre lui. Il en discutait sur le pont avec
Drouot, indécis mais obéissant, et Cambronne, Bertrand, Octave, Pons, lequel
conservait ses réflexes républicains d’honneur et de sobriété :
    — Votre Majesté n’a songé qu’à enrichir ses maréchaux,
ils voulaient garder leur fortune, même en vous trahissant.
    — Vous avez raison, mais je n’ai jamais su prendre sur
moi de punir des hommes qui me trompaient après m’avoir servi. J’ai poussé loin
ma faiblesse à cet égard.
    — Mais le maréchal Ney !
    — Il n’aime personne.
    — Masséna gouverne Toulon, comment va-t-il
réagir ?
    — Il a le jugement le plus sain et le coup d’œil le
plus rapide quand le feu a commencé.
    — Vos anciens généraux vont s’opposer !
    — Eux peut-être, mais pas leurs régiments. Ils ne
suivront pas.
    — Et Augereau, sa proclamation infâme !
    — Pas infâme, bête. Il en écrira une autre pour dire
l’inverse, vous verrez.
    Ils allaient aborder en France, ils n’avaient plus besoin de
le demander pour s’en assurer, et la conversation se poursuivait dans le même
ton quand Napoléon se mit à table, sur le pont, parmi une cinquantaine de ses
officiers qui déjeunèrent avec lui, debout, l’assiette à la main et le pain
sous le bras. Pour trinquer avec l’Empereur, chacun se servait de vin dans un
grand vase posé sur le sol. Soudain la vigie cria et ils levèrent le nez.
L’homme signalait une frégate sur la côte de Livourne :
    — Ils viennent vers nous !
    — Mettez toutes voiles dehors ! ordonna l’Empereur
en dénouant sa serviette.
    Le capitaine Chautard commandait L’Inconstant. Toulonnais
à la retraite, venu à Elbe pour y demander un emploi, il était aussi piètre
marin que Taillade, qu’il remplaçait, mais plus sûr. Il proposa en
tremblotant :
    — Si nous
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