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La Reine étranglée

La Reine étranglée

Titel: La Reine étranglée
Autoren: Maurice Druon
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vous
amuse ? lui demanda Robert.
    — Le plafond, répondit-elle. Je
viens de voir qu’il ressemble à celui de la tour de Nesle.
    D’Artois se redressa, stupéfait. Il
ne pouvait se défendre d’une certaine admiration pour tant de cynisme mêlé à
tant de rouerie. « Cela, au moins, c’est une femme ! »
pensait-il.
    Elle le regardait, gigantesque
devant la cheminée, campé sur ses cuisses solides comme des troncs d’arbre. Les
flammes faisaient luire ses bottes rouges et scintiller sa boucle de ceinture.
    Elle se leva, et il l’attira contre
lui.
    — Ah ! Ma cousine, dit-il.
Si c’était moi qu’on vous eût fait épouser… ou bien si vous m’aviez choisi pour
amant en place de ce jeune niais d’écuyer, les choses ne se seraient point
passées de même pour vous… et nous aurions été bien heureux.
    — Peut-être, murmura-t-elle.
    Il la tenait aux reins, et il avait
l’impression que dans un instant elle ne serait plus capable de penser.
    — Il n’est pas trop tard,
Marguerite, murmura-t-il.
    — Peut-être pas… répondit-elle
d’une voix étouffée, consentante.
    — Alors délivrons-nous d’abord
de cette lettre à écrire, pour n’être plus ensuite occupés que de nous aimer.
Faisons monter le chapelain qui attend en bas…
    Elle se dégagea d’un bond, les yeux
brillants de colère.
    — Il attend en bas,
vraiment ? Ah ! Mon cousin, m’avez-vous crue si sotte que de me
laisser prendre à vos câlineries ? Vous venez d’en user avec moi comme les
catins font d’ordinaire avec les hommes, leur irritant les sens pour les mieux
soumettre à leurs volontés. Mais vous oubliez qu’à ce métier-là, les femmes
sont plus fortes, et vous n’y êtes qu’un apprenti.
    Elle le défiait, nerveuse, dressée,
et renouait le col de sa chemise.
    Il l’assura qu’elle se trompait du
tout, qu’il ne souhaitait que son bien, qu’il était sincèrement épris d’elle…
    Marguerite le considérait d’un air
narquois. Il la reprit dans ses bras, encore que maintenant elle se défendît,
et la porta vers le lit.
    — Non, je ne signerai
point ! criait-t-elle. Violez-moi si vous le voulez, car vous êtes trop
lourd pour que je puisse résister ; mais je dirai au chapelain, je dirai à
Bersumée, je ferai savoir à Marigny quel bel ambassadeur vous faites, et
comment vous avez abusé de moi.
    Il la lâcha, furieux.
    — Jamais, entendez-vous,
poursuivit-elle, vous ne me ferez avouer que ma fille n’est pas de Louis ;
parce que si Louis venait à mourir, ce que je souhaite de toute mon âme, alors
c’est ma fille qui deviendrait la reine de France, et il faudrait bien compter
avec moi, comme reine-mère.
    D’Artois resta interdit un instant.
« Elle pense droit, la fieffée garce, se dit-il, et le sort pourrait lui
donner raison…» Il était maté.
    — C’est petite chance que vous
courez là, répliqua-t-il enfin.
    — Je n’en ai point
d’autre ; je la garde.
    — Comme vous voudrez, ma
cousine, dit-il en gagnant la porte.
    Son échec lui avait mis la rage au
cœur. Sans autre adieu, il dévala l’escalier et trouva le chapelain, cramoisi
de froid sous ses cheveux beiges, qui battait la semelle, ses plumes d’oie à la
main.
    — Vous êtes un bel âne, mon
petit frère, lui cria-t-il, et je ne sais point diable où vous découvrez des
faiblesses chez vos pénitentes ! Puis il appela :
    — Écuyers ! Aux
chevaux !
    Bersumée surgit, toujours coiffé de
son chapeau de fer.
    — Monseigneur, souhaitez-vous
visiter la place ?
    — Grand merci. Ce que j’en ai
vu me suffit.
    — Les ordres,
Monseigneur ?
    — Quels ordres ! Obéis à
ceux que tu as reçus.
    On amenait à d’Artois son cheval, et
Lormet déjà présentait l’étrier.
    — Et la dépense du repas,
Monseigneur ? demanda encore Bersumée.
    — Tu te la feras compter par
messire de Marigny. Allez, abaissez le pont !
    D’un coup de reins, d’Artois se mit
en selle et enleva sa monture de pied ferme au galop. Suivi de son escorte, il
franchit le corps de garde. Bersumée, sourcils joints, bras ballants, regarda
la chevauchée dévaler vers la Seine dans un grand jaillissement de boue.
     

IV

SAINT-DENIS
    Les flammes de centaines de cierges,
disposés en buissons autour des piliers, projetaient leurs lueurs mouvantes sur
les tombeaux des rois. Les longs gisants de pierre semblaient parcourus de
frémissements, comme en rêve, et l’on eût dit une armée de chevaliers
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