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La nuit

La nuit

Titel: La nuit
Autoren: Élie Wiesel
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appartient à la mémoire commune.
    L’oubli signifierait danger et insulte. Oublier les morts
serait les tuer une deuxième fois. Et si, les tueurs et leurs complices
exceptés, nul n’est responsable de leur première mort, nous le sommes de la
seconde.
     
    Parfois l’on me demande si je connais « la réponse à
Auschwitz » ; je réponds que je ne la connais pas ; je ne sais
même pas si une tragédie de cette ampleur possède une réponse. Mais je sais qu’il
y a « réponse » dans responsabilité.
    Lorsqu’on parle de cette époque de malédiction et de
ténèbres, si proche et si lointaine, « responsabilité » est le mot
clé.
    Si le témoin s’est fait violence et a choisi de témoigner, c’est
pour les jeunes d’aujourd’hui, pour les enfants qui naîtront demain : il
ne veut pas que son passé devienne leur avenir.
     
    Élie Wiesel

Avant-propos
de
    François Mauriac
     
     
    Des journalistes étrangers me rendent souvent visite. Je
les redoute, partagé entre le désir de livrer toute ma pensée et la crainte de
donner des armes à un interlocuteur dont les sentiments à l’égard de la France
ne me sont pas connus. Dans ces rencontres, je n’oublie jamais de me méfier.
    Ce matin-là, le jeune Israélien qui m’interrogeait pour
le compte d’un journal de Tel-Aviv m’inspira dès l’abord une sympathie dont je
ne dus guère me défendre longtemps, car nos propos prirent très vite un tour
personnel. J’en vins à évoquer des souvenirs du temps de l’occupation. Ce ne
sont pas toujours les circonstances auxquelles nous avons été directement mêlés
qui nous affectent le plus. Je confiai à mon jeune visiteur qu’aucune vision de
ces sombres années ne m’a marqué autant que ces wagons remplis d’enfants juifs,
à la gare d’Austerlitz… Je ne les ai pourtant pas vus de mes yeux, mais ma
femme me les décrivit, toute pleine encore de l’horreur qu’elle en avait
ressentie. Nous ignorions tout alors des méthodes d’extermination nazies. Et
qui aurait pu les imaginer ! Mais ces agneaux arrachés à leur mère, cela
dépassait déjà ce que nous eussions cru possible. Ce jour-là, je crois avoir
touché pour la première fois le mystère d’iniquité dont la révélation aura
marqué la fin d’une ère et le commencement d’une autre. Le rêve que l’homme d’occident
a conçu au XVIII e  siècle, dont il crut voir l’aurore en 1789, qui,
jusqu’au 2 août 1914, s’est fortifié du progrès des Lumières, des
découvertes de la science, ce rêve a achevé de se dissiper pour moi devant ces
wagons bourrés de petits garçons, – et j’étais pourtant à mille lieues de
penser qu’ils allaient ravitailler la chambre à gaz et le crématoire.
    Voilà ce que je dus confier à ce journaliste, et comme je
soupirai : « Que de fois j’ai pensé à ces enfants ! » Il me
dit : « Je suis l’un d’eux. » Il était l’un deux ! Il avait
vu disparaître sa mère, une petite sœur adorée et tous les siens, sauf son père,
dans le four alimenté par des créatures vivantes. Pour son père, il devait
assister à son martyre, jour après jour, à son agonie et à sa mort. Quelle mort !
Ce livre en relate les circonstances et je le laisse à découvrir à des lecteurs
qui devraient être aussi nombreux que ceux du journal d’Anne Franck, – et par
quel miracle l’enfant lui-même en réchappa.
    Mais ce que j’affirme, c’est que ce témoignage qui vient
après tant d’autres et qui décrit une abomination dont nous pourrions croire
que plus rien ne nous demeure inconnu, est cependant différent, singulier, unique.
Ce qu’il advient des Juifs de la petite ville de Transylvanie appelée Sighet, leur
aveuglement devant un destin qu’ils auraient eu le temps de fuir, et auquel
avec une inconcevable passivité ils se livrent eux-mêmes, sourds aux
avertissements, aux supplications d’un témoin échappé du massacre et qui leur
rapporte ce qu’il a vu lui-même de ses yeux ; mais ils refusent de le
croire et le prennent pour un dément, – ces données eussent certes suffi à
inspirer une œuvre à laquelle aucune, il me semble, ne saurait être comparée.
    C’est pourtant par un autre aspect que ce livre
extraordinaire m’a retenu. L’enfant qui nous raconte ici son histoire était un
élu de Dieu. Il ne vivait, depuis l’éveil de sa conscience, que pour Dieu, nourri
du Talmud, ambitieux d’être initié à la Kabbale, voué à
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