La malédiction des templiers

l’air depuis sa base d’Akrotiri à Chypre, au moment même où l’avion de Reilly touchait la surface des flots. Le signal de sa balise de détresse donnant sa position fut transmis au pilote qui fonçait au maximum de sa vitesse vers la dernière position connue du Cessna Conquest. Ainsi, à peine plus d’une heure après qu’il se fut retrouvé flottant dans les eaux de la Méditerranée, un homme-grenouille lui faisait passer un harnais pour le remonter en toute sécurité.
     
    L’hélicoptère l’amena à Akrotiri, où le personnel de l’hôpital militaire Princess Mary s’occupa de panser ses blessures. L’avion s’était certes abîmé dans les eaux internationales, mais cela n’empêcha pas Reilly de se voir poser quantité de questions concernant les occupants de l’appareil, ce qui s’était passé, comment et pourquoi. Les Britanniques avaient ouvert un feu roulant. Peu après, les responsables de l’Aviation civile chypriote et de la Garde nationale prirent le relais. Pendant un temps relativement long, Reilly dut se débrouiller seul. Il répondit aux questions en se montrant le moins disert possible, mais il était fatigué, il avait mal partout et sa patience ne tenait plus qu’à un fil. Il appela New York, s’entretint avec Aparo, à qui il demanda de l’aide, tout en étant conscient que le tirer de là prendrait un certain temps. L’ambassade des Etats-Unis se trouvait à Nicosie, à une heure de route de la base britannique, et le FBI n’y avait pas d’antenne. Il y eut cependant un certain nombre d’échanges de coups de téléphone et c’est ainsi que, à la mi-journée, l’attaché militaire de l’ambassade fit son apparition, prit les choses en main et exfiltra Reilly séance tenante. Plus important encore, il fut en mesure d’aider son compatriote à trouver la réponse à la question qui lui brûlait les lèvres depuis le moment où un treuil l’avait remonté à bord du Sea King.
    Laquelle réponse n’allait pas de soi : avec ce qui s’était passé, et en particulier la disparition d’Ertugrul, le consulat des Etats-Unis à Istanbul était en pleine confusion, et c’était un véritable casse-tête que d’essayer de trouver la personne la plus à même de localiser Tess. Il fallut de nombreux coups de téléphone et plusieurs heures d’une attente particulièrement frustrante pour apprendre qu’elle était retenue dans un commissariat de police à Konya.
    Entendre sa voix contribua davantage à apaiser les maux et les douleurs de Reilly que tous les calmants qu’on lui avait administrés. La jeune femme était saine et sauve. Mais elle avait elle aussi besoin d’aide.
    Car elle se trouvait prise dans un imbroglio bureaucratique du même ordre que celui où était englué son compagnon. Les Turcs avaient une longue liste de questions à lui poser, et ils n’avaient nullement l’intention de la relâcher avant qu’elle y eût répondu.
    — Tiens bon, la rassura Reilly. Je viens te chercher.
     
    Le jet atterrit tard dans la nuit. C’était un bel avion d’un blanc immaculé portant le logo discret de la Gulfstream Aerospace Corporation. Reilly le regarda avec une impatience non dissimulée rouler jusqu’à un hangar privé. Ses réacteurs venaient à peine d’être coupés que la porte de la cabine s’ouvrit, laissant apparaître la haute stature du cardinal Mauro Brugnone, secrétaire d’Etat du Vatican.
    Le visage ridé du prélat s’illumina lorsqu’il aperçut Reilly venu l’accueillir, puis se rembrunit en voyant les innombrables bleus et les coupures diverses qu’il avait à la figure et aux mains. Ouvrant grand les bras, il étreignit l’agent du FBI avant de reculer de quelques pas pour lui demander :
    — Alors, ils ont disparu ? Ils ont définitivement disparu, cette fois ?
    Il n’avait nul besoin d’une confirmation. Reilly la lui avait apportée lorsqu’il l’avait eu au téléphone. Mais il ne lui avait pas dit toute l’histoire.
    — J’en ai bien peur, répondit Reilly.
    — Vous allez me raconter tout ça, fit l’ecclésiastique en invitant l’agent à monter à bord de l’appareil.
    Tandis que le pilote s’empressait de remplir les formalités qui leur permettraient de redécoller au plus vite, Reilly raconta dans les grandes lignes ce qui leur était arrivé depuis qu’ils avaient quitté Rome. Au terme de son récit, le cardinal était courbé en avant, les yeux cernés, comme sous le poids des