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La Liste De Schindler

La Liste De Schindler

Titel: La Liste De Schindler
Autoren: Thomas Keneally
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dernier, avec le jeune Lisiek, en train de balayer la neige. Nous avons vu le commandant sortir de la maison et descendre les marches qui mènent au patio. Et là, sur les marches, il a sorti son revolver et il a tiré sur une femme qui passait devant lui. En plein dans la gorge. Une femme qui portait un balluchon. Elle ne faisait que passer. Vous voyez… Elle n’était pas plus grosse ou plus maigre qu’une autre… Elle n’allait pas plus vite ou plus lentement. Je ne sais pas ce qu’elle avait pu faire. Avec le commandant, il n’y a pas de règles. On ne peut pas se dire je vais faire ceci ou je vais faire cela et je m’en tirerai… Non, on ne sait rien.
    Schindler lui prit la main et la serra très fort pour qu’ elle mesure bien ce qu’il allait lui dire.
    — Ecoutez, chère mademoiselle Helena Hirsch, c’est terrible, mais c’est quand même mieux que Maidanek ou Auschwitz. Si vous pouvez garder votre santé…
    — Je pensais que ça ne poserait pas de problèmes ici à la cuisine du commandant, répondit-elle. Quand on m’a transférée de la cuisine du camp, les autres filles étaient jalouses.
    Elle se força à sourire.
    Schindler se fit plus convaincant, élevant le ton comme pour assener une règle fondamentale :
    — Il ne vous tuera pas, Helena. Il ne vous tuera pas parce que vous êtes devenue sa tête de Turc. Il joue avec vous, et ça l’amuse. Ça l’amuse tellement qu’il ne veut même pas que vous portiez l’étoile de David. Il ne veut pas que les autres sachent qu’il tire quelque amusement d’une juive. La femme qu’il a tuée l’autre jour, ce n’était rien pour lui, un numéro. Elle ne lui avait rien fait. Vous comprenez. Mais vous, vous, Helena, c’est autre chose… C’est peut-être monstrueux mais c’est comme ça.
    Quelqu’un lui avait déjà dit cela. Léo John, l’assistant du commandant, un sous-lieutenant SS.
    — Il ne vous tuera pas, Lena, lui avait-il dit. Il prend bien trop de plaisir à vous faire souffrir.
    Sur le coup, ça ne l’avait pas marquée. Mais venant de Herr Schindler… Oui, c’était ça : elle était condamnée à survivre, pitoyablement.
    Il comprit qu’elle était bouleversée et tenta de lui remonter le moral. Il reviendrait la voir. Il ferait son possible pour la tirer d’ici.
    — D’ici?
    — Oui, d’ici, répliqua-t-il. Dans mon usine. Vous en avez entendu parler, l’usine d’ustensiles…
    —  Oh ! bien sûr, dit-elle, la fabrique Schindler.
    Elle avait pris l’air d’un gosse des taudis à qui l’on fait miroiter des vacances sur la Côte d’Azur.
    —  Surtout, gardez la santé, dit-il à nouveau.
    Pour Schindler, c’était l’essentiel, compte tenu de ce qu’il pressentait des intentions de Himmler et de Frank.
    — Oui, bien sûr.
    Elle lui tourna le dos pour se diriger vers un lourd placard de cuisine qu’elle déplaça avec une aisance qui paraissait incongrue chez une jeune fille si frêle. Elle détacha une brique de la paroi du mur cachée par le placard et sortit une liasse de billets – des zlotys d’Occupation.
    —  J’ai une sœur qui travaille à la cuisine du camp, dit-elle. Elle est plus jeune que moi. Je voudrais que vous utilisiez cet argent pour empêcher son transfert si jamais on décide de l’envoyer ailleurs. On m’a dit que vous étiez souvent au courant de ces choses avant… qu’il ne soit trop tard.
    —  J’en fais mon affaire, l’assura Schindler, comme si c’était la chose la plus naturelle au monde. Combien y a-t-il ?
    —  Quatre mille zlotys.
    Il mit négligemment dans sa poche le trésor accumulé depuis Dieu sait quand. De toute façon, il était plus en sûreté avec lui que dans une cachette chez Goeth.
    L’histoire d’Oskar Schindler, on le voit, n’est pas simple. Elle nous a déjà révélé une brochette de nazis jouisseurs et sadiques, une jeune Polonaise brutalisée, des prisonniers terrorisés et un personnage qui pourrait rejoindre dans l’imagerie populaire la putain au grand cœur : le bon Allemand.
    Schindler connaissait déjà le véritable visage du système. Il savait que le rideau de l’efficacité bureaucratique recouvrait une réalité atroce. Avant beaucoup d’autres, il avait deviné ce que cachait le terme de Sonderbehandlung – traitement spécial. Un traitement qui se concluait par des pyramides de cadavres passés dans les chambres à gaz de Belzec, de Sobibor, de Treblinka et d’Auschwitz-Birkenau, cette usine de
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