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La lanterne des morts

La lanterne des morts

Titel: La lanterne des morts
Autoren: Frédéric H. Fajardie
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n’avait fait que croître.
    Blacfort détestait tant de choses chez celui qui pendant des années s’était cru son ami qu’il était malaisé d’en tenir le compte. Cette haine recuite et entretenue obscurcissait son entendement dès lors qu’il pensait à son ancien ami d’enfance.
    Ainsi était le comte de Blacfort dont un bandeau noir cachait l’œil crevé, accident provoqué par lui-même tandis que Valencey d’Adana tenait l’épée: un moyen diabolique pour culpabiliser le prince et lui gâcher pendant treize ans toute chance de bonheur.
    Assis à ses côtés, le curé Phébus Monteroux, son âme damnée, l’entretenait dans sa folie. Ecclésiastique indigne, débauché et assassin, bien protégé au cœur de la sédition en cette terre ennemie de la République, il s’était sans grands risques déclaré «prêtre réfractaire» par opposition aux «jureurs», ces prêtres ralliés à la constitution civile du clergé.
    – Eh bien, arriverons-nous un jour?… demanda Blacfort d’un ton impatient.
    Un officier vendéen, ancien capitaine aux chevau-légers qui partageait le carrosse avec le général et le prêtre, répondit d’une voix presque craintive:
    – Nous y sommes, général!… Presque.
    – Je déteste les «presque».
    Les deux hommes, vestes vertes des officiers de l’armée vendéenne, écharpe à la taille et cocarde – blanches toutes deux – au chapeau, échangèrent un regard. Blacfort devina un mélange de haine et de crainte chez l’officier: il adorait susciter ces deux sentiments lorsqu’ils se trouvaient ainsi mêlés.
    – Pour une fois que cette interminable retraite nous offre quelque plaisir, il serait dommage de ne point assister au spectacle!… lança le curé Monteroux d’une voix gourmande.
    Voulant détendre l’atmosphère soudain très pénible, l’officier remarqua:
    – Il est étrange que ce soit à l’occasion de cette retraite, consécutive à notre défaite, que nous arrivions sur des terres qui ne furent jamais nôtres.
    Blacfort ne répliqua pas. Il pensait qu’après l’écrasante et désastreuse défaite de Savenay la cause royaliste était à moyen terme entendue et, dès qu’il aurait expédié une ou deux affaires très personnelles, il comptait gagner l’Angleterre en laissant là les Vendéens.
    Le général-comte de Blacfort, à l’encontre d’un Valencey d’Adana s’attaquant toujours à plus forte partie, détestait les causes perdues…
    Il revit avec mélancolie la courte épopée vendéenne.
    Mars 1793, soit neuf mois plus tôt: c’est le début du conflit marqué par des massacres de républicains sur les cadavres desquels on brûle des drapeaux tricolores tandis que d’autres arrachent par centaines ces «arbres de la Liberté» plantés dans chaque commune de France.
    Au fil des mois, de mars à décembre, c’est une vague de fond: tout l’Ouest se soulève. Partout se dressent des paysans ultracatholiques attachés aux Bourbons et hostiles à la «levée en masse» décrétée par la Convention. Le tocsin sonne, les hommes s’arment. On prend Nantes jusqu’à son centre-ville. La République aux abois est obligée de ramener les douze mille soldats d’élite de l’armée de Coblence, ce qui n’empêche pas son glorieux chef, le général Kléber, d’être battu à Torfou, et sévèrement. Angers, Villedieu, Machecoul, Chinon, Le Mans, le Mont-Saint-Michel, Sablé, La Roche-sur-Yon, Château-Gontier, Laval, Dol, Pontorson, Fougères, Avranches, l’île de Noirmoutier, Laval, La Flèche: les grandes villes tombent comme des fruits mûrs. Partout, les Bleus sont contraints à la retraite, parfois précipitée, et au prix de milliers de morts. Blessés et traînards sont achevés sans pitié. Au Mans, le vent commence enfin à tourner lors d’une fulgurante contre-attaque républicaine.
    Puis, le 23 décembre – presque hier! –, c’est le désastre royaliste de Savenay. Sur quatre-vingt mille hommes, la «Grande Armée catholique et royale» en ramène quelques milliers. En trois mois. Le généralissime Cathelineau est tué en juillet. Son successeur, le général Bonchamps, est tué à son tour. Le nouveau généralissime vendéen, d’Elbée, est blessé et évacué à Noirmoutier. Capturé, il est fusillé attaché sur un fauteuil et son corps jeté dans les douves.
    On nomme alors un nouveau généralissime, le comte de La Rochejaquelein, vingt et un ans… De la classe. Kléber rend hommage à celui
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