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La lanterne des morts

La lanterne des morts

Titel: La lanterne des morts
Autoren: Frédéric H. Fajardie
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on trouva pliés des assignats de cinq livres. Mais la pliure était faite avec malice puisque ainsi on pouvait lire: « La Mort la République ».
    – Que fait-on, à présent?… demanda La Mellerie, légèrement anxieux.
    – Incendions la maison, tans pis pour les cadavres. Dans la nuit, on verra cela de loin. Les Vendéens seront attirés, ce qui nous dégagera peut-être un passage.
    Entre ses dents, Florent de Saint-Frégant corrigea le mot «Vendéen»:
    – Les brigands de la Vendée!
    Le chirurgien était, du groupe, l’homme qui haïssait le plus les «Blancs», mais certainement pas celui qui chérissait le plus la République, cette place revenant à Valencey d’Adana: Louis XVI, qui le jalousait et le craignait, lui interdit la terre de France pour ces raisons pendant huit ans.
    En 1789, alors que Valencey d’Adana pouvait enfin revenir en France, un cyclone avait mis à mal La Terpsichore, l’endommageant si gravement que les travaux durèrent plus de deux ans. Entre-temps, la guerre avait été déclarée et, à la demande des autorités révolutionnaires affolées, La Terpsichore verrouilla les Antilles, protégeant les convois et nettoyant les parages des corsaires.
    Et puis il y avait eu ces deux lettres du général de police…
    Ils marchaient de chaque côté de la route, trois d’un côté, trois de l’autre. File indienne et larges espaces, ainsi qu’ils faisaient aux États-Unis. Après la joie de fouler la terre de France, ils étaient soucieux. On pensait aux êtres qu’on avait quittés, aux nouvelles trop rares, aux maisons et châteaux laissés à l’abandon pendant toutes ces années.
    Seul du groupe, le commodore O'Shea échappait à ces angoisses. Homme d’honneur, il était heureux de rendre service à ses amis français car, sans eux, point d’indépendance américaine. Il payait une vieille dette et s’en trouvait bien. Surtout vis-à-vis de Valencey d’Adana. Tandis qu’en France le pouvoir royal l’ignorait, aux États-Unis La Fayette et Rochambeau avaient tenu à ce qu’il soit présent lors de la reddition anglaise à Yorktown et George Washington, pourtant peu expansif – mais bien informé –, l’avait serré dans ses bras sans dissimuler son émotion.
    Dans la nuit glacée, la pluie tombait sans discontinuer, rendant les chemins presque impraticables, glissants, gorgés d’eau en leurs ornières. Valencey d’Adana imagina la fatigue des canonniers de la République quand les roues des canons s’embourbaient, l’arrêt de la colonne, les chevaux supplémentaires qu’il fallait chercher pour dégager les pièces d’artillerie et, bien entendu, les francs-tireurs vendéens profitant de la situation pour tuer quelques soldats avant de se retirer sous le couvert des forêts. Et recommencer plus loin.
    Il passa le premier le Pont-Rouge, indiqué sur le plan appris par cœur, remarqua le calvaire de La-Croix-aux-Arbres et la fontaine des Hauts-Jours qui le confirmèrent sur la route à prendre.
    Il s’efforça de chasser les pensées qui l’assaillaient de toutes parts: Victoire 3 , son grand amour… Nicolas de Refroicourt, comte de Blacfort 4 , son ennemi, assassin de son père et qu’il s’en venait tuer. Ce gros roi stupide, ignorant du peuple, qui finit guillotiné place de la Révolution en janvier de l’année précédente. Les dizaines de milliers de Vendéens en armes qui quadrillaient le pays…
    Mais surtout, surtout: Victoire.
    – Tudieu, je saurai bien la retrouver! dit-il entre ses dents.
    «À quel prix?» songea Mahé.
    John O'Shea, qui fermait la marche, porta la voix:
    – Attention, cavaliers!
    Les marins se jetèrent précipitamment dans le fossé.
    Précédé et suivi de forts contingents de cavaliers vendéens, un carrosse tiré par six chevaux passa en dérapant dans la boue, les malheureuses bêtes impitoyablement fouettées par le cocher.
    O'Shea se redressa et réajusta son tricorne en disant:
    – Aucun doute, la Révolution n’est pas arrivée jusqu’ici!
    1 Grade sans équivalent dans la marine française. Juste en dessous de contre-amiral.
    2 Épilepsie.
    3 Voir le premier volume, La Tour des Demoiselles (Lattès, 2005).
    4 Ibid .

2
    À l’intérieur du carrosse, le puissant seigneur et général vendéen aurait sans doute chancelé de surprise en apprenant qu’il venait de passer à moins d’un mètre de son ennemi mortel dissimulé dans un fossé.
    Avec le temps, la haine de Blacfort pour Valencey d’Adana
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