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La jeunesse mélancolique et très désabusée d'Adolf Hitler

La jeunesse mélancolique et très désabusée d'Adolf Hitler

Titel: La jeunesse mélancolique et très désabusée d'Adolf Hitler
Autoren: Michel Folco
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pas ce que ta mère m’a dit quand elle t’a amené ici, je ne comprends pas…
    – Elle a menti pour que vous m’acceptiez, ce que vous n’auriez jamais fait si vous aviez su que j’étais le bâtard d’un autre !
    Nepomuk se versa un verre de schnaps et l’avala.
    – Si Georg n’est pas ton père, c’est qui alors ?
    Le front d’Aloïs se plissa, ses sourcils se rapprochèrent, lui donnant un air sévère.
    – Ça, c’est mon affaire ! Disons que je suis le fils de mes propres œuvres, puff, puff, puff. Vous comprenez, tonton, si j’avais suivi vos conseils, je serais cordonnier à l’heure qu’il est. En fait et à vrai dire, je me suis fait tout seul.
    Dehors, la nuit était tombée, les cheminées du hameau fumaient et les grenouilles de l’étang coassaient en chœur. Aloïs se servit un verre de prune et le huma avant de le boire. Désignant le plancher sous lequel se trouvait la salle commune, il dit sentencieusement :
    –  Tarde venientibus ossa (Qui vient tard à la table ne trouve que des os). Et si on allait manger, tonton ?
    ***
    Comme le feu dans l’âtre, la veillée tirait paisiblement à sa fin. Assise auprès de sa sœur assoupie contre son épaule, Klara ne quittait pas son oncle du regard, charmée par sa voix aux inflexions dépourvues de cet accent rugueux qui, disait-on, faisait saigner les oreilles des étrangers.
    Après leur avoir raconté comment, au terme d’un labeur acharné, il était devenu fonctionnaire impérial et royal, Aloïs poursuivit le récit de son existence en l’émaillant de plaisantes anecdotes sur la vie à Vienne et sur les contrebandiers de tout poil qu’il avait été amené à appréhender. Il affirmait que le nombre des fraudeurs augmentait indubitablement pendant la pleine lune. Ursula acquiesça gravement.
    – Ma tante est sage-femme à Weitra, eh bien, d’après elle, c’est pareil pour les enfants, il en naît beaucoup plus à cette période.
    Chacun médita l’information ; durant ce court silence, on entendit les braises crépiter et quelques rats faire la sarabande dans le grenier.
    L’un des gosses assis en tailleur sur le plancher leva la main pour demander :
    – Le curé y nous a dit que la Terre était ronde comme une orange, mais mon père, lui, il dit qu’elle est plate.
    – Bien sûr qu’elle est plate ! intervint Nepomuk avant qu’Aloïs puisse répondre. Réfléchis, voyons, si la Terre était ronde, ça voudrait dire que ceux qui sont de l’autre côté vivent la tête en bas, comme les mouches au plafond. Allons, allons, le curé ferait mieux de s’occuper de son catéchisme.
    – Sauf votre respect, tonton, il est peut-être temps de combler quelques lacunes à votre ignorance, se permit d’ironiser Aloïs. Depuis Herr Colomb, tout le monde sait que la Terre est ronde, et depuis Herr Galilée, tout le monde sait que c’est la Terre qui tourne autour du soleil, et non l’inverse.
    Dépité par la désinvolture avec laquelle Aloïs avait accueilli sa proposition de changement de patronyme, Nepomuk décida de ne pas ménager celui qu’il considérait toujours comme son neveu.
    – Tu viens de perdre une belle occasion de te taire, mon garçon. Comme quoi on peut être instruit et dire quand même des âneries. C’est à croire qu’à force de vivre en ville on ne comprend plus la nature et on ne sait plus lire le ciel.
    Les trois gendres approuvèrent à l’unisson. Il n’y avait qu’à suivre l’ascension matinale du soleil, son parcours dans le ciel et sa descente en fin de journée derrière le bois des Felber pour savoir avec certitude qui tournait autour de qui !
    Peu enclin à dépenser sa salive pour tenter de convaincre des individus au front aussi bas, Aloïs tira sur sa pipe et projeta la fumée grise vers le plafond aux poutres noircies par des milliers de veillées.
    Pourquoi suis-je revenu ? s’interrogea-t-il en sachant la réponse. Il était revenu pour mesurer le temps passé, mais aussi pour leur montrer qu’il n’était, qu’il n’avait jamais été, l’un des leurs. En fait, il n’avait que mépris pour cette engeance envieuse, avare, médisante, dont l’intérêt principal consistait à s’épier, à se jalouser, à se détester, génération après génération, avec une opiniâtreté qui forçait l’admiration… Seuls la nécessité et l’intérêt les avaient réunis en hameau, mais au moindre prétexte ils étaient prêts à tout pour se nuire.
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