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La Guerre et la Paix - Tome III

La Guerre et la Paix - Tome III

Titel: La Guerre et la Paix - Tome III
Autoren: Léon Tolstoï
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nécessité.
    C’est seulement en les unissant qu’on arrive à une représentation claire de la vie humaine.
    En dehors de ces deux notions qui se déterminent mutuellement dans leur union, de même que le contenu est uni au contenant, il n’y a aucune représentation possible de la vie.
    Tout ce que nous savons d’elle n’est qu’un certain rapport entre la liberté et la nécessité, c’est-à-dire entre la conscience et les lois de la raison.
    Tout ce que nous savons du monde extérieur de la nature n’est rien de plus qu’un certain rapport entre les forces de la nature et la nécessité, ou entre l’essence de la vie et les lois de la raison.
    Les forces vitales de la nature sont placées en dehors de nous et de notre conscience, et nous les appelons pesanteur, force d’inertie, électricité, force vitale, etc. ; mais la force vitale de l’homme nous est connue par notre conscience et nous l’appelons liberté.
    La pesanteur sentie par tout homme nous est inaccessible dans son essence et nous ne pouvons la comprendre que dans la mesure où nous connaissons les lois de la nécessité auxquelles elle est soumise (depuis la première notion que tous les corps tombent jusqu’à la loi de Newton). De même la force de la liberté sentie par la conscience nous est également inaccessible en elle-même ; elle ne nous devient intelligible que dans la mesure où nous connaissons les lois de la nécessité auxquelles elle est soumise, depuis le fait que tout homme meurt jusqu’aux lois économiques ou historiques les plus complexes.
    Chacune de nos connaissances n’est qu’un acte de soumission de l’essence de la vie aux lois de la raison.
    La liberté de l’homme se distingue de toutes les autres forces parce que nous en avons conscience, mais pour la raison elle n’est en rien différente d’aucune autre force. Les forces de la pesanteur, de l’électricité ou de l’affinité chimique ne se distinguent l’une de l’autre que parce que notre raison les a définies séparément.
    Il en va de même de la force de la liberté ; pour la raison, elle ne se distingue des autres forces de la nature que par la définition que cette raison en donne. La liberté sans la nécessité, c’est-à-dire sans les lois de la raison qui la délimitent, ne se différencie pas de la pesanteur, de la chaleur, ou bien de la force de la végétation ; elle n’est qu’une sensation instantanée, indéfinie, de la vie. De même que l’essence indéterminée de la force qui meut les corps célestes, de la force-chaleur, de la force-électricité, de la force de l’affinité chimique ou de la force-vie, forme le contenu de l’astronomie, de la physique, de la chimie, de la botanique, de la zoologie, etc., de même l’essence de la force-liberté constitue le contenu de l’histoire. Mais de même que l’objet de chaque science est la manifestation de cette essence inconnue de la vie, et que cette essence à son tour peut être seulement l’objet de la métaphysique, de même la manifestation de la liberté humaine dans l’espace, le temps et la causalité constitue l’objet de l’histoire, tandis que la liberté est l’objet de la métaphysique.
    Dans les sciences expérimentales, nous appelons ce qui nous est connu : lois de la nécessité, et ce qui nous demeure inconnu : force vitale. La force vitale n’est que le nom donné au résidu inconnu de ce que nous savons de l’essence de la vie.
    De même dans l’histoire, nous appelons ce qui nous est connu lois de la nécessité, et ce qui nous est inconnu, liberté. La liberté, pour l’histoire, n’est que l’expression du résidu inconnu de ce que nous savons des lois de la vie humaine.

XI
    L’histoire étudie les manifestations de la liberté humaine dans ses rapports avec le monde extérieur, avec le temps et dans sa dépendance vis-à-vis de la causalité, c’est-à-dire qu’elle délimite la liberté selon les lois de la raison ; aussi ne peut-elle être une science qu’autant que la liberté est soumise à ces lois.
    Pour l’histoire, la reconnaissance de la liberté humaine comme une force assez grande pour avoir une influence sur les événements, c’est-à-dire non soumise à des lois, équivaut à la reconnaissance pour l’astronomie d’une force libre mettant en mouvement les corps célestes.
    Admettre cela, c’est supprimer la possibilité de l’existence de lois, donc toute science. Si un seul corps peut se mouvoir
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