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La Guerre et la Paix - Tome III

La Guerre et la Paix - Tome III

Titel: La Guerre et la Paix - Tome III
Autoren: Léon Tolstoï
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auraient reçu une couche égale de crépi.

IX
    La solution de la question de la liberté et de la nécessité donne à l’histoire cet avantage sur toutes les autres branches du savoir qui ont cherché à la résoudre, que cette question ne concerne pas l’essence même de la volonté humaine mais sa manifestation dans le passé et dans des conditions connues.
    L’histoire, devant ce problème, se trouve, par rapport aux autres sciences, dans la situation d’une science expérimentale vis-à-vis des sciences spéculatives.
    L’histoire n’a pas pour objet la volonté même de l’homme, mais l’idée que nous nous formons de lui.
    Et c’est pourquoi elle ne se trouve pas comme la théologie, la morale ou la philosophie, en face du mystère insondable de l’union de deux contraires, la liberté et la nécessité. L’histoire étudie les manifestations de la vie humaine dans lesquelles cette union est déjà accomplie.
    Dans la vie réelle, chaque événement historique, chaque action humaine se conçoit avec une clarté et une précision parfaites et sans qu’on y aperçoive la moindre contradiction, bien que chaque fait accompli apparaisse comme libre en partie et en partie déterminé.
    Quand il s’agit de résoudre le problème de l’union de la liberté et de la nécessité, et de l’essence de ces deux concepts, la philosophie de l’histoire peut et doit s’engager dans un chemin opposé à celui que suivent les autres sciences. Au lieu de s’efforcer de définir d’abord en eux-mêmes les concepts de liberté et de nécessité, et ensuite de soumettre à ces définitions les phénomènes de la vie, l’histoire doit tirer de l’énorme masse des phénomènes qui s’offrent à elle comme régis par la liberté et la nécessité, la définition de ces deux concepts.
    De quelque façon que nous considérions les actes d’un ou de plusieurs hommes, nous y voyons l’effet, en partie de la liberté humaine, en partie des lois de la nécessité.
    Qu’il s’agisse de migrations de peuples, d’invasions barbares, de la politique de Napoléon III ou de l’acte qu’une personne donnée vient d’accomplir il y a une heure et qui a consisté dans le choix d’une promenade dans telle direction plutôt que dans telle ou telle autre, nous n’y voyons pas la moindre contradiction. La part de liberté et de nécessité qui a régi ces actes nous apparaît clairement.
    On diffère extrêmement souvent d’opinion sur la part plus ou moins grande de liberté qu’il y a dans un acte, suivant le point de vue d’où on l’examine ; mais toujours, et dans tous les cas, l’acte humain se révèle comme un mélange déterminé de liberté et de nécessité. Chaque cas examiné nous montre une certaine dose de l’une et de l’autre. Et plus nous voyons de liberté dans un acte, quel qu’il soit, moins nous y voyons de nécessité et plus nous y voyons de nécessité, moins nous y voyons de liberté.
    Le rapport des deux éléments, dont chacun augmente ou diminue suivant le point de vue, reste toujours inversement proportionnel.
    L’homme en train de se noyer, s’accrochant à un autre homme qu’il entraîne avec lui ; la mère affamée qu’épuise l’allaitement d’un enfant et qui vole de la nourriture ; l’homme soumis à la discipline qui, au commandement, tue un homme sans défense, apparaissent tous moins coupables, c’est-à-dire moins libres et plus soumis aux lois de la nécessité, aux yeux de celui qui sait dans quelles conditions ils se trouvaient ; et plus libres, au contraire, pour celui qui ne sait pas que cet homme sombrait, que cette mère était affamée, que ce soldat était dans le rang, etc. Il en va de même pour un homme qui, il y a vingt ans, a commis un meurtre, et depuis a mené dans la société une vie tranquille, sans nuire à personne ; il semble moins coupable ; aux yeux de celui qui juge son forfait au bout de vingt ans, son acte semble obéir davantage aux lois de la nécessité ; et le même crime eût semblé plus libre à celui qui l’aurait examiné un jour après qu’il a été commis. Il en va de même des actes d’un fou, d’un ivrogne ou d’un homme surexcité ; ils apparaissent moins libres et plus nécessaires à qui connaît l’état mental de ces hommes, et plus libres et moins nécessaires à qui l’ignore. Dans ces divers cas, la liberté et la responsabilité augmentent ou diminuent suivant que grandit ou s’amoindrit la
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