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La confession impériale

La confession impériale

Titel: La confession impériale
Autoren: Michel Peyramaure
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recueillies, l’oreille collée à la bouche de l’agonisant. Charles
ouvrit grands ses yeux et sa bouche, tenta de se redresser, esquissa un signe
de croix sur son front et sa poitrine et retomba sans vie.
    Walla, penché sur le lit, embrassa son front
et ferma ses paupières. Moi, son humble serviteur, j’avais eu le pénible
honneur de recueillir quelques-uns de ses derniers propos. Lorsqu’il m’avait
dit : « Il faudra… » j’avais cru comprendre qu’il exprimait sa
volonté de voir le récit de sa vie, écrit de ma main, servir d’exemple aux
générations futures.
    Les plaintes légères des servantes, puis un
concert de lamentations se répandirent dans la chambre et, d’écho en écho,
gagnèrent toute la ville. Envahi par les domestiques, les officiers et les
moines, le vaste logement prit l’aspect d’une ruche qui aurait perdu sa reine.
On courait en tous sens, on s’étreignait en pleurant, on doutait encore que
Charles fût mort, comme s’il eût été éternel.
    Tandis que des matrones faisaient la dernière
toilette du mort, je restai tassé dans mon fauteuil, dans l’embrasure de la
fenêtre d’où Charles observait les mouvements de la cour. Je faillis m’insurger
contre le maître-chien, Garin, qui, se souvenant des sacrifices qui
accompagnaient la mort d’un chef saxon, avait entrepris d’égorger la meute
avant de s’en prendre à la ménagerie. Walla fit interrompre cette réaction
barbare.
    Dans l’heure qui
suivit, je priai le moine qui avait recueilli les derniers propos de Charles de
m’en donner le contenu. Il les avait consignés sur un morceau de parchemin. Ils
disaient : « Seigneur, je remets mon âme entre Tes mains. » Quand
je lui demandai si, les jours précédents, Charles avait exprimé quelque volonté
quant à ses funérailles, il haussa les épaules.
    — Il ne m’en a rien dit. Quand je me suis
hasardé à lui en parler, au cours d’une confession, il m’a répondu d’un ton
sévère que les anges noirs ne lui avaient pas fait signe de les suivre.
Qu’entendait-il par là ? Je n’ai pas osé le lui demander. Je crois que Sa
Majesté n’avait plus tous ses esprits ou nourrissait des illusions quant à son
temps de vie.
    Je lui avouai que je n’étais pas mieux informé
que lui sur les dernières volontés du défunt. Le problème, s’agissant du lieu
de la sépulture, était plus complexe qu’il n’y paraissait.
    Charles m’avait dit, quelques années
auparavant, parlant de son père et de sa mère, qu’il souhaitait reposer auprès
d’eux, à Saint-Denis.
    — Voilà une indication intéressante, me
dit le chapelain. L’ennui, c’est qu’il faut une bonne semaine pour arriver à
Lutèce. D’autre part, on ne sait à quel endroit de sa basilique reposent ces
dépouilles.
    Walla nous tira d’embarras. Charles lui avait
confié qu’il n’envisageait pas d’autre lieu pour sa sépulture que sa chapelle
palatine. Au cours d’un colloque entre les officiers palatins, c’est cette
dernière solution qui fut retenue.
    Un autre embarras surgit pour le choix du sarcophage.
Il était trop tard pour en faire fabriquer un, et il paraissait inconcevable
d’enfermer le cadavre dans un simple coffre de pierre, sans le moindre
ornement.
    Notre choix se porta sur un sarcophage que
Charles avait rapporté d’Italie et avait placé dans ses jardins. Il suffirait
de gratter la mousse qui l’avait attaqué pour lui redonner son éclat originel.
C’était une véritable œuvre d’art. Sur ses flancs courait un enchevêtrement de
personnages mythiques nus : dieux, demi-dieux, ménades, héros, chevaux
attelés à des chars. Une bataille ? Une bacchanale ? Le style était
de belle facture. Seuls le chapelain et quelques moines regimbèrent, trouvant
le sujet trop imprégné du paganisme de l’ancienne Rome pour abriter les restes
d’un empereur très chrétien.
    Des controverses
surgirent au sujet de la posture à donner au cadavre. Certains souhaitaient
qu’il fût allongé, d’autres qu’il fût assis, comme sur son trône. Cette
dernière position m’indigna par son absurdité, mais je dus m’incliner. La
raideur cadavérique était si sensible qu’il fallut briser les membres du
cadavre pour lui donner la position assise dans cette cuve heureusement assez
profonde.
    On l’avait revêtu de ses habits d’apparat et
coiffé de la couronne impériale ; on avait placé son sceptre entre ses mains
et posé sur sa poitrine une
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