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La confession impériale

La confession impériale

Titel: La confession impériale
Autoren: Michel Peyramaure
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passé à son côté la revue de la garde palatine. Je l’ai accompagné
à ses bains quotidiens en veillant à ce qu’il ne sombrât pas, trahi par ses
vieux os… Chaque jour, parfois durant des heures, je lui ai fait la lecture de
ses œuvres favorites, celles des auteurs latins ; il se montrait
insatiable, comme s’il préparait son bagage pour l’éternité.
    Il lui est venu au cours de ses dernières
années un intérêt de plus en plus intense pour ses écoles. Il veillait à ce
qu’elles fussent ouvertes aux enfants de toutes les classes de la société et
réprimandait les moines qui négligeaient leur mission.
    Il me disait :
    — Éginhard, souviens-toi que l’éducation
fait l’homme et qu’un serf intelligent et éduqué est plus utile à l’Empire
qu’un prince sot et ignare.
    Il avait décidé que chaque établissement
religieux, chaque évêché, devrait être doté d’une école pour les humbles,
dirigée par un « sage docteur ». Certaines, comme Corbie, Lutèce,
Saint-Benoît, Auxerre, Fontenelle, sont devenues des foyers de culture.
D’autres, de par sa volonté, ont été créées au-delà du Rhin, à Prüm, Fulda,
Saint-Gall et, en Italie, au mont Cassin. On a enseigné la langue grecque à Osnabrück…
    Il me disait encore :
    — J’ai conscience de laisser mon œuvre
inachevée, mais mon fils, Louis, la poursuivra.
    Il faisait mine d’ignorer que la plupart de
ses écoles avaient pour maîtres des moines incultes et dévergondés, qui
maltraitaient leurs élèves, mais si, disait-il, un sur dix émergeait de ce
marécage de cancres, il s’estimerait satisfait.
    Charles, qu’on
appelle « le Grand », ou « Charlemagne », nous a abandonnés
le samedi 28 janvier de l’année 814, à l’âge de soixante-douze ans. J’aurais
aimé lui fermer les yeux, mais c’est son cousin Walla qui a eu ce triste
privilège.
    Quelques jours avant, malgré la pluie mêlée de
neige, il avait tenu, comme chaque jour, à prendre son bain. Lorsqu’il en est
ressorti, soutenu par deux serviteurs, il a été pris de frissons, a dû s’aliter
et ne s’est plus relevé. Ses médecins lui avaient prescrit une diète sévère,
mais il en avait peu souffert car il avait perdu l’appétit, se contentant de
manger du fromage, sa nourriture favorite, et de boire de l’eau.
    Une pleurésie s’était déclarée, d’autant plus
redoutable que le malade n’avait plus l’énergie nécessaire à la combattre. Il
avait gardé sa conscience intacte et m’avait demandé de retrouver dans sa
bibliothèque et de lui relire le poème d’Horace, dédié à Sestius, qui comporte
cette strophe soulignée de sa main :
    La pâle mort sans choix heurte et force
l’entrée / De la pauvre chaumière ou du royal palais / Passagère est la vie, et
sa courte durée…
    Ma lecture terminée, il m’avait demandé de
convoquer son chapelain et l’évêque de Mayence pour se délivrer de ses péchés
et recevoir les sacrements suprêmes.
    Plusieurs heures par jour, je restais à son
chevet pour lui lire des passages des Évangiles et tenter de distraire son
esprit par de menus événements glanés dans les couloirs et les galeries.
J’évitais de lui donner des nouvelles de l’extérieur afin de ne pas troubler sa
sérénité. Il m’écoutait sans manifester de lassitude ou d’ennui, s’endormait
parfois, un sourire aux lèvres et un fil de salive dans sa barbe. Je
l’assistais dans ses prières et obéissais quand il me demandait, chaque matin
ou presque, d’aller faire l’aumône aux pauvres qui assaillaient les portes du
palais.
    Le samedi 28
janvier, peu après le lever du jour, une de ses servantes, Adalinde, pénétra
dans ma chambre, m’éveilla et m’annonça que le moribond allait rendre son
dernier soupir. Je me précipitai et trouvai Walla à son chevet. Charles était
encore en vie, mais secoué de hoquets et de râles qui le mettaient à la
torture. Il me fixa de son regard vitreux et, accrochant la manche de ma
chemise, il me demanda qui j’étais. Quand je lui eus dit mon nom, il balbutia
d’une voix à peine audible :
    — Éginhard… mon bon Éginhard… Nous avons
fait un long chemin ensemble, n’est-ce pas ? Me pardonnes-tu de t’avoir
imposé cette interminable confession ? Promets-moi d’en faire bon usage.
Il faudra…
    Il s’interrompit dans un accès de toux, mais
ce ne furent pas ses dernières paroles. Le chapelain s’était penché sur lui et
les avait
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