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Je n'aurai pas le temps

Je n'aurai pas le temps

Titel: Je n'aurai pas le temps
Autoren: Hubert Reeves
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l’Occident, son lieu précis nous devient présent. Le coucher de soleil s’embellit d’être éphémère. L’obscurité nous ouvre le ciel. La portée de notre regard s’étend à des milliers, voire des millions d’années-lumière. Le vaste Univers entre dans notre champ de vision. La nuit, contrairement à l’affirmation de David, on peut voir très loin…
    Ô Mort, vieux capitaine, il est temps ! Levons l’ancre !
    Nous voulons, tant ce feu nous brûle le cerveau,
    Plonger au fond du gouffre, Enfer ou Ciel, qu’importe ?
    Au fond de l’Inconnu pour trouver du nouveau !
    Baudelaire, « Le voyage », Les Fleurs du mal
    On peut chercher du nouveau parce que, comme Baudelaire, ce monde nous a déçu. On peut aussi désirer explorer l’Inconnu précisément parce qu’il nous a émerveillé. Avec l’espoir, peut-être illusoire, d’en comprendre enfin le sens.
    Que celui qui a vécu dans un milieu où il a pu bénéficier d’une ouverture sur la culture, les arts et la science porte un regard sur l’ensemble de la population mondiale. Il réalisera alors qu’il appartient à une infime minorité et s’apercevra de la chance qui fut la sienne. Un quart de l’humanité vit en-dessous du seuil de pauvreté. Pour ces gens, l’urgence quotidienne imposée par la survie est infiniment plus pressante que l’intérêt pour la vie sur d’autres planètes ou pour la création artistique. Je peux prendre conscience de l’immense privilège qui est le mien. Je suis né et j’ai été élevé dans un environnement qui m’a laissé le loisir de me passionner pour ces questions. Mais pourquoi moi, et pourquoi vous aussi, qui lisez ces lignes ? Y a-t-il une réponse ?

Chapitre 2
    Joseph Rives, orphelin de guerre
    J ’ai vécu une enfance intensément francophone. Ma famille évoquait, avec un orgueil qu’elle estimait légitime, notre statut de « Canadiens français » (à cette époque, on ne disait pas encore « Québécois »).
    Nous avions conscience d’être une nation plongée dans un océan anglophone contre lequel il fallait réagir sous peine d’être culturellement éliminés. Les mots « anglifier » et « angliciser » avaient pour nous une forte connotation négative. On parlait à voix basse, presque en chuchotant, d’une branche de la famille partie vivre dans la province anglophone de l’Ontario et dont les enfants ne parlaient plus le français.
    Nous étions très fiers de notre langue et de nos traditions françaises. L’histoire du Canada, telle qu’elle nous était enseignée à l’école, était, selon les mots mêmes de notre hymne national, « une épopée des plus brillants exploits ». Contre les Anglais protestants, nos ancêtres s’étaient vaillamment défendus pendant des décennies. Sans aucun renfort venu de France (on sait la négligence de la Mère Patrie pour ces quelques « arpents de neige », comme l’écrivit si dédaigneusement Voltaire), ils n’avaient cédé que sous le poids du nombre. Mais dans la défaite et sous l’occupation anglaise, ils avaient su maintenir leur langue et leur foi catholique. Il fallait poursuivre leur œuvre admirable et se montrer en tout point digne de cet héritage : la langue gardienne de la foi.
    La légende et la réalité
    Selon la légende familiale, notre premier ancêtre québécois était un soldat américain de souche écossaise, venu guerroyer au Québec lors des luttes pour l’indépendance menées par les jeunes États-Unis. Fait prisonnier par l’armée anglaise, il avait été libéré à la condition qu’il s’installe comme fermier dans notre province. Telle était l’histoire à raconter à ceux qui nous interrogeaient sur l’origine de notre patronyme.
    Après de longues recherches, mon frère André, hématologue de métier et généalogiste par passion, a finalement percé à jour la réalité des faits. Elle est beaucoup plus brutale.
    Entre 1685 et 1767, date du traité de Paris, Français et Anglais se disputent les territoires de l’Amérique du Nord. Ils se livrent une guerre cruelle. La technique favorite des troupes françaises consiste à effectuer des descentes éclairs sur les villages de la Nouvelle-Angleterre pour « dissuader les habitants de s’établir dans cette région ». Elles feront plus de soixante de ces razzias pendant cette période.
    Guidés par les Indiens Abenakis auxquels ils se sont associés, les soldats français, excités par les cris de
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