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Je n'aurai pas le temps

Je n'aurai pas le temps

Titel: Je n'aurai pas le temps
Autoren: Hubert Reeves
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permettait de les compter. Le plumage bleu-vert d’un martin-pêcheur à l’affût trahissait sa présence. Progressant lentement, on arrivait à l’approcher avant qu’il ne s’envole dans un grand cri de protestation.
    L’impression que faisait sur moi ce lieu était si intense que j’en oubliais de ramer. Sans bruit, sans aucun geste, je restais longtemps attentif au monde qui m’entourait. La nature alors me pardonnait mon intrusion et retrouvait son rythme. Des papillons jaunes et des libellules bleu acier voletaient au-dessus des herbes, tandis qu’en longues enjambées, des araignées d’eau glissaient sur la nappe liquide où se miraient les iris jaunes. De temps à autre, la gueule béante d’un poisson émergeait à la surface pour happer un insecte. Les ondulations de la surface aquatique me signalaient la présence d’un rat musqué s’activant près de la berge. Il se glissait entre les hautes tiges des massettes. Je le suivais de loin. Il me menait vers une clairière où, parmi les herbes dégagées, se prélassaient des canards colverts. Les coloris subtils des canes, les verts bleutés des mâles me réjouissaient l’œil.

    Les océaniques
    Par maints détours et embranchements, le chenal Cardinal menait jusqu’au « Grand Lac ». C’est ainsi qu’on nommait la portion du lac Saint-Louis située au-delà des « îles ». L’approche en était signalée au rameur par le bruit des vagues sur les plages de sable. À peine perceptible au milieu des marécages, leur rythme puissant s’imposait progressivement tandis que le vent du large, amorti par la végétation, secouait le sommet des saules. Un dernier méandre du chenal, et la surface agitée du Grand Lac se découvrait. Je ne pouvais m’empêcher d’évoquer le « Thalassa ! » des dix mille soldats de Cyrus le Jeune atteignant la mer Noire.
    Pour avancer contre ce vent soutenu qui maintenant repoussait le canoë, il fallait ramer énergiquement. L’abordage se faisait sur une plage de sable fin jonchée de coquilles de moules. On y voyait les restes des repas des Indiens, accumulés depuis des temps immémoriaux. Assis dans le sable, je fixais des yeux la grande voie argentée étendue sur l’eau en direction du Soleil… À l’horizon, des navires se profilaient. Je les comptais. Je suivais leurs déplacements. J’attendais qu’ils se croisent. Je me réjouissais quand un nouveau bateau apparaissait à l’horizon. Je m’imaginais au bord de la mer. L’envie d’y aller s’imposait à moi avec une grande intensité. J’irai un jour…

    Collection de timbres
    C’est dans mon album de timbres que, vers ma dixième année, j’ai effectué mes premiers voyages ; un grand cahier jaune aux coins racornis. Sur chaque page défraîchie figurait le nom d’un pays lointain que je pouvais localiser sur une carte du monde. On y trouvait aussi le nom de sa capitale et sa population (de l’époque !). Les vieux manuels de géographie du grenier me donnaient des informations complémentaires.
    Le grand bonheur, après avoir patiemment accumulé quelques sous, était d’aller visiter le rayon de philatélie d’un magasin. Les timbres y étaient vendus en vrac dansde grandes enveloppes dont la fenêtre de cellophane laissait voir le contenu. Je les manipulais les unes après les autres pour évaluer les échantillons accessibles à l’œil. Que d’hésitations avant de choisir ! Retour précipité à la maison pour les décacheter et inventorier mes nouvelles acquisitions. Échange des doublons avec mes frères, tout aussi passionnés que moi. Ainsi, au hasard des images, j’allais de la Nouvelle-Calédonie au Tanganyika, du Guatemala au Népal, de la Finlande à la Nouvelle-Zélande. J’affectionnais tout particulièrement les losanges de la Sierra Leone et leurs perroquets colorés, leurs lions en famille, leurs jardins de jacarandas… D’autres vignettes, au nom du Troisième Reich, me rappelaient à la réalité de la guerre. À cette époque, les sous-marins allemands coulaient les navires alliés dans l’estuaire du Saint-Laurent.
    Chaque timbre était plus qu’une invitation, une véritable injonction à me rendre un jour dans son pays d’origine. Un itinéraire s’ajoutait à ceux que j’avais déjà projetés selon un calendrier à la fois souple et exigeant.
    L’un des tomes de l’ Encyclopédie de la jeunesse que mon père avait achetée d’occasion s’appelait Pays et nations . On y
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