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Imperium

Imperium

Titel: Imperium
Autoren: Robert Harris
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charger
de proposer au Sénat, en tant que consul, d’accorder un triomphe à Lucullus,
ainsi qu’à Quintus Metellus.
    Je comprenais enfin pourquoi Cicéron avait paru si lugubre
et préoccupé lorsqu’il était sorti de sa réunion avec les aristocrates. Quintus
reposa son assiette et le regarda avec une horreur non dissimulée.
    — Alors, ils veulent d’abord que tu te mettes le peuple
à dos en t’opposant à la réforme agraire, et puis ils te demandent de te faire
un ennemi de Pompée en accordant des triomphes à ses plus grands rivaux ?
    — Je crains, mon frère, répliqua Cicéron avec
lassitude, que l’aristocratie n’ait pas acquis sa fortune sans être dure en
affaires. J’ai tenu bon aussi longtemps que j’ai pu.
    — Pourquoi as-tu accepté ?
    — Parce que j’avais besoin de gagner.
    — Gagner quoi exactement ? Cicéron ne répondit
rien.
    — C’est bien, commenta Terentia en tapotant le genou de
son mari. Je crois que c’était de toute façon la bonne attitude à adopter.
    — C’est ça ! protesta Quintus. Et Marcus n’aura
pas pris ses fonctions depuis quelques semaines qu’il ne lui restera plus
personne pour le soutenir. Le peuple l’accusera de trahison. Les pompéiens diront
la même chose. Et les aristocrates le laisseront tomber dès qu’il aura servi
leurs objectifs. Qui trouvera-t-il pour le défendre, alors ?
    — Moi, je te défendrai, intervint Tullia, mais, pour
une fois, personne ne rit à cette déclaration de loyauté précoce, et Cicéron
lui-même ne parvint à produire qu’un maigre sourire.
    Alors il reprit le dessus :
    — Vraiment, Quintus, tu as le chic pour nous gâcher la
soirée. Entre deux extrêmes, il y a toujours un chemin intermédiaire. Il faut
absolument arrêter Crassus et César et, pour ça, je peux trouver des arguments.
En ce qui concerne Lucullus, tout le monde s’accorde à penser qu’il mérite cent
fois un triomphe pour ce qu’il a fait dans sa guerre contre Mithridate.
    — Et Metellus ? coupa Quintus.
    — Je suis sûr que je pourrai trouver quelque chose à
louer même chez Metellus, si tu me donnes assez de temps.
    — Et Pompée ?
    — Pompée, comme nous le savons tous, est un humble
serviteur de la République, répliqua Cicéron avec un geste vague de la main. Et
surtout, ajouta-t-il très pince-sans-rire, il n’est pas là.
    Il y eut un silence, puis, malgré lui, Quintus se mit à
rire.
    — Il n’est pas là, répéta-t-il. Cela ne fait aucun
doute. Nous finîmes tous par rire ; que faire d’autre en vérité ?
    — Voilà qui est mieux ! s’exclama Cicéron avec un
sourire. L’art de vivre est de traiter les problèmes quand ils se présentent au
lieu de se désespérer en s’en inquiétant bien trop à l’avance. Surtout ce soir.
Vous savez à qui nous devrions boire ? lança-t-il soudain, une larme au
coin de l’œil. Je crois que nous devrions trinquer à la mémoire de notre cher
cousin Lucius, qui était ici, sur ce toit, la première fois que nous avons
parlé du consulat et qui aurait tant voulu voir ce jour.
    Il leva sa tasse et nous l’imitâmes tous, bien que je ne
pusse m’empêcher de repenser à la toute dernière remarque que Lucius lui avait
adressée : Des mots, des mots, rien que des mots. N’y a-t-il donc
aucune limite aux subterfuges dont tu peux leur faire user ?
    Plus tard, alors que tout le monde était parti, soit pour
rentrer chez eux, soit pour se mettre au lit, Cicéron était resté allongé sur l’une
des banquettes, les mains croisées derrière la nuque, et contemplait les
étoiles. Je me tenais sans faire de bruit sur la banquette qui lui faisait
face, mon carnet prêt à servir si jamais il avait besoin de quelque chose. Je m’efforçais
de rester éveillé, mais il faisait chaud et je défaillais de fatigue. Lorsque
ma tête retomba pour la quatrième ou cinquième fois sur la poitrine, il me
regarda et me dit d’aller me reposer.
    — Tu es le secrétaire particulier d’un consul désigné à
présent. Tu devras avoir l’esprit aussi aiguisé que ton calame.
    Je me levai pour prendre congé et il se replongea dans la
contemplation des deux.
    — Comment la postérité nous jugera-t-elle, hein, Tiron ?
dit-il. C’est la seule question qui compte pour un homme d’État. Mais avant de
pouvoir nous juger, elle devra d’abord se souvenir de qui nous sommes.
    J’attendis un long moment, pour le cas où il aurait voulu
ajouter quelque chose,
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