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Histoire des colonisations: Des conquetes aux independances, XIIIe-XXe siecle

Histoire des colonisations: Des conquetes aux independances, XIIIe-XXe siecle

Titel: Histoire des colonisations: Des conquetes aux independances, XIIIe-XXe siecle
Autoren: Marc Ferro
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on retrouve des comportements qui renouent avec l’ère des grandes conquêtes coloniales. Pourtant, le sentiment est général, à partir de 1870, qu’une ère nouvelle a commencé. Quelles en seraient les caractéristiques ?
    En premier lieu, il apparaît que si, jusque-là, l’expansion n’a pas connu de solution de continuité depuis un siècle — qu’elle ait abouti, comme celle de la France en Algérie ou au Sénégal, ou qu’elle ait échoué —, l’accroissement de la puissance coloniale des différents États européens n’a pas toujours été le résultat d’une volonté politique explicite. Il a été plutôt le fait des circonstances. En outre, les nouvelles colonies ont volontiers été peuplées de révoltés, de délinquants, de prisonniers politiques — en Algérie notamment, en Australie, en Nouvelle-Calédonie —, ce qui ne les valorisait pas aux yeux de l’opinion. Mais n’en avait-il pas été de même pour les premières colonies portugaises ?
    En France, le changement apparaît pourtant lorsque les nouveaux territoires acquis commencent à avoir une identité : la Cochinchine, par exemple, que désire la marine : pour faire pièce à la Grande-Bretagne et disposer d’une bonne base dans l’ouest de l’océan Pacifique… Il en est de même bientôt pour l’Algérie, après les combats « héroïques » contre Abd el-Kader. L’armée s’identifie à ce pays. Comme l’a écrit Raoul Girardet : « En même temps qu’une fraction de l’armée se “colonialise”, pour une partie de l’opinion, l’idée coloniale se militarise. » Or, si l’idéal colonial et la vocation missionnaire s’interpénètrent, comme au XVI e et au XVII e  siècle, la nouveauté est sans doute qu’un glissement de sens s’est opéré : la christianisation s’identifie désormais à un devoir de civilisation, car la civilisation ne saurait être que chrétienne. Tandis que dans Les Missions catholiques M gr  Miché, vicaire apostolique à Saigon, stigmatise « ces rebelles qui ont longtemps arrêté l’essor des conversions », M gr  Lavigerie nommé évêque d’Alger y vient « pour porter son concours à la grande œuvre de civilisation chrétienne… qui doit faire surgir des ténèbres et des désordres d’une antique barbarie uneFrance nouvelle ». Civiliser, coloniser, faire rayonner sa culture, s’étendre, tels sont les premiers ressorts de l’impérialisme, la colonisation constituant la « puissance de reproduction » d’un peuple à travers les espaces.
    Ultime ressource de la grandeur pour Prévost-Paradol, force génératrice pour Leroy-Beaulieu, l’impérialisme puise à des ressorts idéologiques, certes, mais qui ne manquent pas d’être soutenus par des objectifs plus matériels. Au reste, ce sont eux qui sont à l’origine de la formulation la plus répandue de cette politique coloniale, nouvelle manière, qui fit fortune. Elle fut énoncée par Jules Ferry lors de la conquête du Tonkin : « La politique coloniale est fille de la politique industrielle. Pour les États riches… l’exportation est un facteur essentiel de la prospérité publique […]. S’il avait pu s’établir, entre les nations manufacturières, quelque chose comme une division du travail industriel, une répartition selon les aptitudes […], l’Europe eût pu ne pas chercher en dehors de ses propres limites les débouchés de sa production. Mais tout le monde veut filer, forger, distiller, fabriquer du sucre et l’exporter. » Avec l’avènement de nouvelles puissance industrielles — les États-Unis, la Russie, l’Allemagne — la nécessité commande ainsi cette expansion outre-mer.
    A cette raison Jules Ferry en ajoute deux autres, déjà identifiées : l’argument humanitaire qui oblige « les races supérieures » à accomplir leur devoir à l’égard des « races inférieures » non encore engagées sur la voie du progrès ; et l’argument nationaliste, énoncé sous une forme dynamique : « Que la France se retire de ces entreprises, et l’Espagne ou l’Allemagne nous y remplaceraient sur l’heure, la politique du “coin du feu” ne saurait être qu’un engagement dans la voie de la décadence… Rayonner sans agir, c’est abdiquer. »
    Au vrai, la Grande-Bretagne avait eu à faire face à des problèmes un peu similaires, mais bien avant la France. Pour elle, les victoires de la guerre de Sept Ans avaient constitué un premier grand
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