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HHhH

HHhH

Titel: HHhH
Autoren: Laurent Binet
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l’air absent d’un jeune homme déjà à demi entré dans le monde
des morts.
    5 juin 2008. Après
quelques mètres, la terre du tunnel devient dure. Les parachutistes
arrêtent-ils de creuser pour se concentrer sur le tir ? Je ne peux pas le
croire. Ils s’acharnent sur la terre. Ils creuseront avec leurs ongles s’il le
faut.
    9 juin 2008. Frank n’en
peut plus. Pannwitz réfléchit. Il doit bien y avoir un autre accès. On déposait
les moines morts dans la crypte. Par où descendait-on les corps ? On
continue à fouiller l’église, on déblaie les décombres, on arrache les tapis,
on démolit l’autel, on sonde la pierre, on cherche partout.
    10 juin 2008. Et on trouve
encore. Sous l’autel, on dégage une lourde dalle qui sonne creux. Pannwitz fait
venir les pompiers et leur demande de briser la dalle. Un plan de coupe
montrerait les pompiers piocher la pierre en surface tandis que les
parachutistes piochent la terre en sous-sol. Le tableau s’intitulerait :
« course contre la mort à cent contre un ».
    13 juin 2008. Vingt
minutes se sont passées, pendant lesquelles les pompiers se sont escrimés en
vain sur la dalle. Ils bredouillent en mauvais allemand aux soldats en armes
qui se tiennent derrière eux qu’il leur est impossible d’entamer la pierre avec
les outils dont ils disposent. Les SS excédés les renvoient et apportent de la
dynamite. Les artificiers s’affairent autour de la dalle puis, lorsque tout est
prêt, on évacue l’église. Dehors, on fait reculer tout le monde. Dessous, les
parachutistes se sont sûrement arrêtés de creuser. Le silence qui suit le vacarme
a dû les alerter. Quelque chose se prépare, ils en ont fatalement conscience.
La déflagration vient le confirmer. Un nuage de poussière s’abat sur eux.
    16 juin 2008. Pannwitz
ordonne qu’on déblaie les gravats. La dalle s’est brisée en deux. Un agent de
la Gestapo passe la tête dans le trou béant. Aussitôt, les balles sifflent
autour de lui. Pannwitz sourit d’un air satisfait. Ils ont trouvé l’entrée. On
fait descendre des SS mais se pose encore le problème de la voie d’accès :
un escalier de bois exigu empêche à nouveau de laisser passer plus d’un homme à
la fois. Les premiers infortunés SS sont abattus comme des quilles. Mais
désormais, les parachutistes doivent surveiller trois brèches différentes.
Profitant que leur attention est détournée de la meurtrière, un pompier se
saisit de l’échelle au moment où l’un des occupants repoussait un tuyau pour la
énième fois et parvient à la hisser à l’extérieur. Dehors, Frank applaudit. Le
pompier sera récompensé pour son zèle (mais puni à la Libération).
    17 juin 2008. La situation
se complique horriblement. Les défenseurs sont désormais privés de leur bras
télescopique de fortune et leur bunker prend eau de toute part, au sens propre
comme au figuré. À partir du moment où les SS disposent de deux voies d’accès,
en plus du danger représenté par la meurtrière, les parachutistes comprennent
que c’est la fin. Ils savent qu’ils sont foutus. Ils arrêtent de creuser, si ce
n’était déjà fait, pour se concentrer uniquement sur le tir. Pannwitz ordonne
une nouvelle vague d’assaut par l’entrée principale, tandis qu’on balance des
grenades dans la crypte et qu’on essaie de faire descendre à nouveau un homme
par la trappe. Dedans, les Sten crachent tout ce qu’elles peuvent pour
repousser les agresseurs. La confusion est totale, c’est Fort Alamo et ça dure,
ça dure, ça n’en finit pas, ça arrive de tous les côtés, par la trappe, par
l’escalier, par la meurtrière, et pendant que les grenades tombent dans l’eau
et n’explosent pas, les quatre hommes vident leurs chargeurs sur tout ce qui
bouge.
    18 juin 2008. Ils arrivent
à leur dernier chargeur et c’est le genre de chose dont on s’aperçoit très
vite, je suppose, même et surtout dans le feu de l’action. Les quatre hommes
n’ont pas besoin de se parler. Gabčík et son ami Valičík échangent un
sourire, j’en suis sûr, je les vois. Ils savent qu’ils se sont bien battus. Il
est midi quand quatre détonations mates trouent le tumulte des armes, qui cesse
immédiatement. Le silence retombe enfin sur Prague comme un linceul de
poussière. Chez les SS, tout le monde s’est arrêté, personne n’ose plus tirer
ni même bouger. On attend. Pannwitz est tout raide. Il fait signe à un officier
SS qui, hésitant, très
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