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Haute-savane

Haute-savane

Titel: Haute-savane
Autoren: Juliette Benzoni
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Enlève-lui son bandeau et fous le camp ! Je te paierai plus tard.
    Enlevé d’une main nerveuse qui lui griffa la tempe, le bandeau quitta les yeux de Gilles. Debout de l’autre côté du feu dont la fumée montait droit vers un orifice percé dans la haute voûte de la grotte, un homme le regardait.
    Debout auprès d’une table de bois doré, chargée de liasses de papiers, d’un pichet et de gobelets d’argent, Simon Legros apparut à Gilles comme le prototype du meneur d’esclaves, l’homme dont la vocation se sentait, des bottes poussiéreuses à la chemise tachée de sueur, de vin et de traînées plus sombres qui étaient peut-être du sang séché. La cravache à la ceinture cloutée d’or, les deux pistolets à long canon – un sous chaque aisselle – étaient presque superflus : l’image était complète et le visage épais, mangé de barbe, n’apparaissait que comme un détail supplémentaire.
    Tournemine soutint le dur regard qui, sous des sourcils noirs et broussailleux, le fixait sans ciller et ne bougea pas, attendant…
    — Heureux que vous ayez accepté mon invitation, chevalier ! fit Legros affectant avec insolence de s’adresser à un égal. Il y a longtemps que j’espérais une telle entrevue.
    — Il n’a tenu qu’à vous qu’elle ait lieu plus tôt, Simon Legros. J’avoue, pour ma part, que je ne suis pas fâché de vous rencontrer. Il y a, entre nous, un compte qui ne cesse de s’allonger… et je n’ai jamais aimé les comptes qui traînent.
    — Voilà un langage qui me plaît. J’avoue d’ailleurs que vous aussi me plaisez, chevalier, et j’en suis le premier surpris. En d’autres circonstances, j’aurais aimé m’assurer vos services.
    — Je ne vous retournerai pas le compliment. Même si vous n’aviez fait tout ce que je suis en droit de vous reprocher, je ne vous aurais jamais gardé à mon service car vous appartenez à la race d’hommes que je déteste le plus au monde : les tortionnaires…
    — Serez-vous surpris si je vous confie que votre opinion m’est indifférente ? Mais laissons à présent les politesses de l’entrée. Un verre de vin d’Espagne ?
    — Certainement pas ! Je ne bois qu’avec mes amis… Et finissons-en, s’il vous plaît. Vous avez enlevé Mlle Gauthier et je suis venu négocier sa liberté. Que voulez-vous pour me la rendre ?
    Legros se versa un gobelet de vin, le but à petites gorgées tandis que ses yeux sombres épiaient son visiteur par-dessus le bord brillant.
    — Ce que je veux ? dit-il enfin. Je veux que vous me rendiez « Haute-Savane ». Rien de plus… mais rien de moins.
    — Non.
    Les sourcils broussailleux se relevèrent puis Legros s’assit à demi sur le coin de la table et, se penchant, y prit un grand papier qu’il se mit à parcourir des yeux.
    — Je crois que vous n’avez pas bien compris. Vous n’avez pas le choix, monsieur de Tournemine, ou bien vous me donnez « Haute-Savane »… ou plutôt vous me la vendez car je vous la paierai. Vous voyez que je suis honnête. Je vous en offre… disons dix mille livres. Je ne peux pas faire plus : ce sont toutes mes économies. Ou bien donc vous me la vendez ou bien je tue la fille.
    — Et vous supposez que je vais accepter pareil marché ? Alors écoutez-moi bien, monsieur Legros : je ne suis pas venu vous échanger Mlle Gauthier contre mon domaine. Je suis venu vous l’échanger contre ma vie. Tuez-moi et laissez-la libre.
    Cette fois, les sourcils de Legros se haussèrent démesurément.
    — Qu’est-ce que vous voulez que je fasse de votre vie ? Votre mort ne me donnera pas « Haute-Savane » légalement. Bien sûr, privée de sa principale défense naturelle, elle tomberait sans doute plus facilement dans mes mains.
    — N’en soyez pas si sûr. « Haute-Savane » n’a même plus besoin de ma protection car elle n’a plus d’esclaves. Cela lui vaut d’être défendue désormais par près de trois cents hommes armés qui savent bien qu’en la défendant ils défendraient du même coup leur vie et leur liberté.
    — Pauvre fou ! Je n’aurai guère de peine à trouver de l’aide chez les autres planteurs qui vous considèrent comme un insensé dangereux… et peut-être même auprès des troupes gouvernementales. Mais ce serait une grave perte de temps et j’ai des installations à faire avant la belle saison maritime.
    — Des installations ? Quel genre ?
    — Cela vous intéresse ? Eh bien, mon cher,
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