Grands Zhéros de L'Histoire de France

médiocrité nationale, quel sera le fleuron de notre collection ? Qui donc marchera en tête de ce calamiteux cortège, tête basse et corde au cou ? Quel malheureux individu concentrera sur ses frêles épaules le poids de la nullité absolue ? Cet individu existe, nous l’avons débusqué, tapi quelque part dans les replis de notre histoire. Vous le connaissez déjà sans le connaître. Et vous savez quoi ? Il était vraiment nul, mais de l’avis de tous ceux qui l’ont connu, c’était un très brave homme !

I

Pot-pourri de zhéros pointés et de faux nuls
     
     
    Dans notre société malade de succès, les exploits les plus ratés sont difficiles à découvrir.
     
    Stephen Pile.

 
    Dès que m’est venue l’idée de ce livre, je me suis mise à rechercher nos zhéros nationaux dans des manuels d’histoire et à interroger tous les passionnés d’histoire de mon entourage. Qui, selon eux, étaient nos grands nuls ? À chaque fois, j’observai la même réaction chez mes interlocuteurs : ils soupiraient, levaient les yeux au ciel, manifestement accablés par la perspective d’avoir à dénombrer une telle multitude de ratés ! Mais que je leur demande de n’en citer qu’un seul et alors le silence s’installait. De toute évidence, personne ne tenait à prendre la responsabilité de faire peser sur un unique individu le poids de la médiocrité nationale. Passé ce court moment de gêne, les conversations sur nos zhéros historiques prirent un caractère enflammé pour ne pas dire agressif.
    « Van Gogh », disait l’un, « un nul, mort dans la misère sans avoir jamais vendu un seul tableau de son vivant ! », « Certainement pas ! répondait un autre, misère ou pas, c’était un génie ! ».
    « Raymond Poulidor ? Un super zhéro, qui fut incapable de finir premier du Tour de France une seule fois dans sa vie ! », « Faux ! Ce fut un grand coureur cycliste, adoré de nos compatriotes ».
    « Philippe, duc d’Anjou, frère de Louis XIV, dit aussi « Monsieur frère du roi » ? Un insignifiant cadet élevé pour rester un médiocre qui ne porterait jamais ombrage à son aîné le Roi-Soleil », « Mais pas du tout ! Non seulement il fut un esthète et un grand mécène, mais il remporta une victoire militaire si glorieuse contre Guillaume d’Orange en 1677 que son jaloux de frère le priva définitivement de tout commandement ! ».
    « Le cardinal de Rohan ? Pas si nul que cela, malgré l’affaire du Collier », me déclarèrent les historiennes Evelyne Lever et Anne Muratori-Philip ; en revanche, « le comte de Chambord, lui, fut un vrai zhéro ». Que devais-je penser de ces affirmations, alors même qu’un autre historien venait de m’exposer la proposition inverse : le cardinal de Rohan nul et Chambord, virtuel Henri V, faux médiocre ?
    Ces discussions prirent parfois un tour surréaliste, mes interlocuteurs prétendant faire figurer dans cette liste de zhéros à peu près n’importe qui et rassemblant dans un même panier Brutus, Marie Stuart, Madame de Montpensier et Fouquier-Tinville, Oscar Wilde, François Xavier Mozart, fils de Wolfgang, le capitaine Jean-Baptiste Marchand, contraint de céder aux Britanniques, à la grande honte de la France, la place forte de Fachoda au Soudan, et Bruce Ismay, armateur du Titanic !
    C’en était trop ! Ouverte à toutes les propositions, je refusais cependant que l’on galvaudât le noble titre de grand zhéro de l’Histoire de France. Ce qualificatif ne pouvait pas être donné à tout le monde. Il concernait exclusivement une élite « déméritante » dont les représentants devaient remplir certains critères : être français, jouir d’une notoriété minimum pour eux-mêmes ou pour les fiascos auxquels ils avaient été associés, et réaliser un certain consensus autour de leur nom.
    Voilà pourquoi le chapitre qui suit aura pour objet d’opérer un premier tri parmi les personnages historiques les plus cités, en excluant notamment ceux qui, offrant pourtant toutes les aptitudes à la médiocrité et à l’échec, ne pourront finalement figurer dans notre palmarès en raison de leur fragilité mentale. Ils seront en quelque sorte les « réformés psychiatriques » de notre conscription ! Effectuer ce premier tri nous permettra de ne conserver que les candidats les plus sérieux au zhéroïsme.

1.

Zhéros pointés
    Premier personnage historique par ordre chronologique d’apparition : Vercingétorix ! Bien qu’il figure