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George Sand

George Sand

Titel: George Sand
Autoren: Elme Caro
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à raviver le plaisir frissonnant que lui donnaient les émotions de ce genre.
    De toutes ces inventions rustiques qu'elle recueillait avidement, de ces visions du soir qu'elle sollicitait dans la campagne, il y avait juste de quoi troubler un instant sa cervelle et lui ravir quelques heures de sommeil. Au fond, ce n'étaient que des matériaux qu'elle amassait dans son magasin d'images ; elle les accumulait dans son incessante rêverie, pour l'oeuvre future dont elle n'avait pourtant aucune idée ; elle était artiste déjà et se dédoublait comme le font les artistes, à la fois auteur et acteur dans ces petits drames qu'elle se jouait à elle-même. Plus tard elle consacra des études nombreuses à ce genre de littérature, la littérature de la peur, qu'elle avait expérimentée sur elle-même, le Diable aux champs, les Contes d'une grand'mère, les Légendes rustiques, le Drac, etc., etc. Elle avait fini par se faire, sur ce sujet, une érudition très curieuse dont elle s'amusait non sans un peu de frayeur. L'élément fantastique lui semblait être une des forces de l'esprit populaire. Elle se plaisait surtout à le saisir chez des populations qui ne semblent pouvoir réagir que par l'imagination contre la rude misère de leur vie matérielle. Le Kobold en Suède, le Korigan en Bretagne, le Follet en Berry, l'Orco à Venise, le Drac en Provence, il y a peu de ses romans d'aventures qui ne garde quelque souvenir de ces noms, quelque impression de ce genre, et qui ne soit une de ses rêveries d'enfance continuée.
C'est ainsi qu'elle prélude à ce songe d'âge d'or, à ce mirage d'innocence champêtre qui la prit dès l'enfance et la suivit jusque dans l'âge mûr. Malgré ces préoccupations assez sombres, elle n'était pas triste pourtant ; elle avait ses heures de franche, d'exubérante gaieté.
    Sa vie d'enfance et d'adolescence fut une alternative de solitude recueillie et d'étourdissement complet. Au sortir de ses longues rêvasseries, elle se livrait avec une sorte d'ivresse à des amusements très simples et très actifs qui faisaient le plus singulier contraste aux yeux des personnes habituées à la voir vivre. C'étaient «les deux faces d'un esprit porté à s'assombrir et avide de s'égayer, peut-être d'une âme impossible à contenter avec ce qui intéresse la plupart des hommes, et facile à charmer avec ce qu'ils jugent puéril et illusoire... Je ne peux pas, disait-elle, m'expliquer mieux moi-même. Grâce à ces contrastes, certaines gens prirent de moi l'opinion que j'étais tout à fait bizarre.»
Cette vie intérieure, qu'elle portait déjà si vive et si intense dans le secret de sa pensée, manqua prendre un autre courant et une direction toute nouvelle, grâce à un assez grave événement ; ce fut une crise religieuse qui, vers la seizième année, se déclara chez elle. À la suite de déchirements de coeur qui se renouvelaient sans cesse et de quelques révélations maladroitement cruelles qui lui furent faites sur le passé de sa mère, Aurore avait résolu de renoncer à tout ce qui devait mettre dans l'avenir un plus grand intervalle entre sa mère et elle, qui vivaient généralement séparées ; elle voulut renoncer à la fortune de sa grand'mère, à l'instruction, aux belles manières, à tout ce qu'on appelle le monde. Elle prit en horreur les leçons de son pédagogue Deschartres, dont elle a immortalisé plus tard la figure, les vanités, les ridicules et la rude honnêteté ; elle se révolta, elle tourna à l'enfant terrible.
Mme Dupin, ne pouvant venir à bout de sa révolte, résolut de la mettre au couvent des Anglaises, qui était alors la maison d'éducation en vogue à Paris pour les jeunes filles de la haute société.
    La jeune pensionnaire, qui arrivait là le coeur brisé des dernières luttes entre sa mère et sa grand'mère, les deux êtres qu'elle chérissait le plus, se reposa délicieusement dans cet abri. Elle nous a raconté avec un charme exquis, dans l'Histoire de ma vie, son séjour au couvent, égayant son récit de quelques vifs portraits de soeurs et de pensionnaires, décrivant les moeurs et les habitudes, les salles d'étude et les chambres, nous intéressant à ces petits drames de la vie des religieuses, aux querelles des élèves, à leurs raccommodements, aux fautes et aux punitions encourues ou subies, à cette oisiveté errante dans les couloirs, dans les souterrains et sur les toits du couvent, à la recherche d'un secret qui
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