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Faubourg Saint-Roch

Titel: Faubourg Saint-Roch
Autoren: Jean-Pierre Charland
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vie, la prudence semblait de mise. L'homme indiqua d'un signe de tête qu'il comprenait. En réalité, seul un curieux malaise devant la jeune fille, un inconfort indéfinissable, conduisait la religieuse à désirer se départir d'une candidate prometteuse.
    —    Elle est compétente? demanda Picard. Je veux dire, elle saura enseigner les éléments à deux jeunes enfants ?
    —    Certainement, certainement. C'est une première de classe. Je vais la chercher.
    La supérieure quitta son siège derrière le meuble de chêne. Laissé seul, Thomas Picard examina de nouveau la petite pièce où il se trouvait. Une fenêtre donnait sur les jardins murés du couvent des ursulines : une oasis de verdure située dans la Haute-Ville de Québec, totalement coupée du monde. Au moment de sa construction, les murs intérieurs de cet édifice devaient être peints à la chaux. Maintenant, modernité obligeait, un papier peint orné de fleurs assombrissait les lieux. Une fougère, dans un grand pot de cuivre, ajoutait une touche de verdure. Les gros madriers du plancher, devenus jaune clair à force d'être frottés, rappelaient
    seuls l'ancienneté de l'édifice.
    Après de longues minutes, la supérieure du couvent revint avec une jeune fille élancée. Ses cheveux d'un blond un peu foncé, ondulés, noués sur la nuque, paraissaient lourds, encore humides, et pas très propres. Pourtant, le tissu de laine de la robe noire était mouillé par endroits. L'homme devina qu'elle sortait du bain. De grands yeux bleus éclairaient un visage très pâle, où des lèvres pleines, bien ourlées, ajoutaient une touche cerise.
    —    Mademoiselle Elisabeth Trudel, commença la religieuse en indiquant à la couventine la chaise libre à côté du visiteur.
    Poliment, Thomas Picard se leva pour serrer la main de la nouvelle venue en donnant son nom, reprit sa place après que la jeune fille se fut assise.
    —    Elisabeth, je vous ai parlé du désir de monsieur Picard de recourir aux services de l'une de nos élèves pour s'occuper de ses enfants.
    —    ... Mais je vous ai dit que je voulais rester ici.
    —    Mon enfant, je vous ai expliqué que cela ne se pouvait pas. Vous avez terminé le cours normal. Vous n'avez plus de bourse.
    La jeune fille offrit un visage buté, un peu enfantin, fixa les yeux au sol avant de prononcer d'une voix blanche :
    —    Je veux devenir religieuse.
    —    Alors profitez de l'occasion qui vous est offerte pour économiser un peu, prier et réfléchir. Si, dans un an, vous êtes toujours certaine de votre vocation, nous vous recevrons parmi nous avec plaisir.
    —    Dans un an ?
    —    En mai 1897. Je vous l'assure, un mot suffira alors à vous ouvrir nos portes.
    Elisabeth se mordit la lèvre inférieure, les yeux toujours fixés vers le plancher. Thomas Picard remarqua une larme, une seule, qui roulait sur sa joue.
    —    Monsieur, cette jeune personne fera-t-elle l'affaire ?
    —    Vous m'avez assuré de sa compétence. Alors si mademoiselle...
    —    Trudel, rappela la jeune fille en le regardant pour la première fois. Oui, j'accepte.
    —    Vous ne voulez pas savoir à quel salaire ? interrogea la religieuse.
    La couventine eut un geste vague de la main, comme si cette question ne la concernait pas vraiment. En réalité, de toute sa vie, elle avait manipulé quelques sous tout au plus. Chassée pour ainsi dire des murs de ce sanctuaire, elle accepterait ce qu'on lui donnerait. De toute façon, cela ne durerait qu'un an !
    —    Vous avez préparé vos bagages ? demanda la mère supérieure après une courte pause.
    —    ... Oui.
    —    Allez les chercher. Monsieur Picard vous attendra à la sortie.
    De très courtes minutes suffirent à Élisabeth pour récupérer l'ensemble de ses possessions dans la petite armoire qui voisinait son lit. Puis ses yeux firent le tour du dortoir. Depuis trois ans, il abritait ses heures de sommeil comme ses insomnies. Elle sortit en essuyant une larme du dos de sa main gauche.
    Un moment plus tard, elle traversait une grande cour où l'herbe reprenait ses droits après les mois d'hiver. Quelques arbres fruitiers offraient de petites feuilles d'un vert tendre, tout comme les buissons. Quand reviendrait la belle température, les jeunes pensionnaires retrouveraient ces lieux avec plaisir. Quelques-unes s'affronteraient dans d'interminables parties de croquet, les autres deviseraient en marchant, bras
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