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Edward Hopper, le dissident

Edward Hopper, le dissident

Titel: Edward Hopper, le dissident
Autoren: Rocquet
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sombre, avec les ombres triangulaires que font les images exposées, serait un reste de nuit, le fragment d’un rêve qui persiste et ressurgit dans la journée.
    Est-ce une mercerie ? Une photo semble confirmer que cette peinture de 1948 représente le magasin familial: souvenir d’enfance, rêvé, réinventé ; et qui ne serait pas le sujet et la fin de la peinture, mais son point de départ, son prétexte. La mémoire est métamorphose. On demande un jour à Hopper où il a vu telle maison, qui paraît très étrange, irréelle, la Maison au bord de la voie de chemin de fer , par exemple ; il répond quelque chose comme : « Ici et là. Nulle part. En moi-même. » Une autre fois, pour répondre à
quelqu’un qui voudrait savoir où il a vu tel immeuble, telle scène, il désigne son front.
    Sept heures : le début de la journée, du travail. Si cette boutique est celle de son père, c’est vers cette heure-là, et de ce coin de rue, que certains jours il s’en allait à l’école. Le magasin s’élève sur un socle ; un perron de deux larges marches donne sur le seuil encastré dans l’embrasure. La prospérité, le signe de la prospérité, inspire confiance et contribue à la prospérité. De part et d’autre de la porte, des colonnettes cannelées, dont la base est ouvragée, légère, disent l’élégance, le bon goût. Le dehors est comme le dedans, le dedans comme le dehors : la vitrine, sa vitre, dit la transparence.
    Du côté droit, un rideau de toile en partie baissé, jaune, s’accorde à la mise en scène de la lumière naissante; et son rôle, au milieu de la journée, est de protéger du soleil. Sur la vitrine vue tout entière, aucun store. Le quartier est-il si tranquille, la ville si paisible, qu’on puisse laisser un magasin à l’abri d’une vitre ?
    Cette peinture est un éloge de la lumière et de la peinture.
    À deux pas d’un royaume de sèves, d’une réserve d’arbres à demi sauvages, d’un parc qu’on sent secret, tumultueux, une maison s’est construite, délicate. C’est un magasin. Il offre aux citoyens de la ville un grand nombre d’objets et de choses nécessaires à leur confort, leur élégance. Mais il ne s’agit pas seulement de commerce. Le fils de la maison est à New York. Il étudie la peinture. Il est peintre, déjà. Il a toujours su qu’il serait peintre, qu’il l’était. Dans la vitrine, nous avons placé deux peintures de lui. L’une est son portrait. Il tient une palette. Il peint. Il travaille. L’autre est une aquarelle. C’est en somme sa première
exposition . Quand il s’en souviendra, lorsqu’il sera Edward Hopper, il peindra le magasin 1 , la vitrine, la lumière. Il peindra l’encadrement et le cadre blanc des vitres comme un rappel du rectangle des toiles, sa vraie vie désormais, dédiée à la lumière.
    La maison n’est pas représentée de face, mais selon une légère oblique. Hopper a bientôt su comme cette disposition, cet angle, ce point de vue latéral, cette façon de montrer les choses de côté, donne vie au tableau et à ce qu’il représente. Représenter de face une façade, si ce n’est l’effet d’une naïveté, si ce n’est le fait d’un peintre du dimanche, peut cependant avoir une certaine force, un certain sens. Le magasin est vu de biais, mais les arbres du parc sont comme la ligne d’un front.
     
    Je regarde la photo de son père et de sa mère. Elizabeth, née Griffiths, a l’air plus sévère que son mari, Garett ; elle tient de sa mère : plus encore « femme forte » selon l’Écriture. Lui, semble un homme doux, un peu timide, en retrait ; sa barbe est légère, peu fournie. Il est mercier, marchand d’étoffes : ce n’est pas la plus virile des professions. Il était employé de commerce, commerçant : salesman , vendeur. S’il a pu acheter ce magasin, c’est avec l’aide de sa belle-mère et de sa femme. Les grands-parents maternels d’Edward possédaient plusieurs maisons dont la grand-mère, veuve, touche le revenu. L’autorité dans la famille est du côté des femmes. Tous ceux qui ont parlé de Garett Hopper l’ont décrit comme un homme de cœur, gentil, courtois, aimable. Il assiste le pasteur. Il est un commerçant avisé, actif, sachant qu’il doit faire face à la concurrence de New York que le chemin de fer rend proche, faisant des annonces dans les journaux,
mais le commerce n’était pas sa vocation. C’est son devoir d’état. Pourquoi cet
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