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Du sang sur Rome

Du sang sur Rome

Titel: Du sang sur Rome
Autoren: Steven Saylor
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à la porte.
    Un esclave grisonnant vint nous ouvrir. Il était affligé d’un
tremblement continuel ; sa tête dodelinait constamment de haut en bas et
de droite à gauche. Il mit du temps à reconnaître Tiron, clignant des yeux et
tendant le cou comme une vieille tortue. Il finit par sourire et ouvrir grand
la porte.
    Le vestibule s’arrondissait en demi-cercle. Le mur courbe en
face de nous comportait trois entrées flanquées de minces colonnes et coiffées
d’un fronton. Elles étaient masquées par des tentures d’un rouge profond,
brodées d’une frise de feuilles d’acanthe. Des flambeaux grecs de part et d’autre
et une mosaïque sans grande distinction au sol (Diane pourchassant un sanglier)
complétaient la décoration. Je ne m’attendais pas à autre chose : de la
mesure pour ne pas contredire la sévérité de la façade, mais un certain luxe
dans l’aménagement pour démentir toute impression de pauvreté.
    Le vieux portier nous fit signe d’attendre et se retira sous
la tenture de gauche. Sa tête chenue flottait comme un bouchon sur ses maigres
épaules.
    — Un souvenir de famille ? demandai-je en baissant
la voix.
    Le vieil homme devait avoir l’ouïe meilleure que la vue,
puisqu’il répondait à la porte ; il aurait été grossier de parler de lui
en sa présence, comme on fait d’un esclave, puisqu’il ne l’était pas. J’avais
remarqué l’anneau de manumission à son doigt, qui marquait sa condition d’homme
libre.
    — C’est mon grand-père, répondit Tiron, non sans
fierté. Marcus Tullius Tiron.
    Il tourna le regard vers la portière, comme s’il pouvait
surveiller la progression pas à pas du vieil homme à travers l’étoffe. L’ourlet
ondulait légèrement, comme sous l’effet d’un courant d’air. J’en conclus qu’un
couloir menait à une pièce à ciel ouvert, probablement l’atrium au cœur de la
maison, où maître Cicéron prenait le frais.
    — Ta lignée sert donc dans cette famille depuis au
moins trois générations ?
    — Oui. Sauf que mon père est mort quand j’étais petit.
Je ne l’ai pas connu. Pareil pour ma mère. Le vieux Tiron est le seul parent qu’il
me reste.
    — Il y a longtemps que ton maître l’a affranchi ?
questionnaire, car le vieillard portait les nom et prénom de Cicéron, selon la
coutume qui veut qu’on identifie l’ancien esclave par celui qui l’a émancipé.
    — Cela va faire cinq ans. Il appartenait au grand-père
de Cicéron, à Arpinum. Comme moi, bien que j’aie toujours été attaché à
Cicéron, étant du même âge que lui. Notre vieux maître nous a légués en cadeau,
au moment de son installation à Rome, à la fin de ses études. C’est alors que
Cicéron l’a affranchi. Le grand-père Tullius ne se serait jamais donné cette
peine. Il ne croit pas à la manumission, quels que soient l’âge d’un esclave,
le nombre d’années ou la qualité de ses services. Les Tullius ont beau être
originaires d’Arpinum, ils sont romains jusqu’à la mœlle. C’est une famille
très traditionnelle.
    — Et toi ?
    — Moi ?
    — Tu penses que Cicéron t’affranchira un jour ?
    — Tu poses de drôles de questions, fit Tiron en rosissant.
    — Je n’y peux rien, c’est ma nature. Mon métier, aussi.
Tu as dû te demander la même chose, plus d’une fois.
    — N’est-ce pas le lot des esclaves ?
    Il n’y avait aucune amertume dans sa voix, seulement une
note de mélancolie, que j’avais déjà rencontrée maintes fois. Le jeune Tiron
était l’un de ces esclaves, naturellement intelligents et éduqués dans la bonne
société, qui connaissent la malédiction de la Fortune, laquelle asservit un
être humain toute sa vie et fait de l’autre un roi.
    — Un de ces jours, peut-être, continua-t-il doucement,
quand mon maître sera plus âgé. De toute façon, à quoi sert d’être libre à
moins de vouloir fonder un foyer ? C’est le seul intérêt que j’y voie, et
je n’y pense pas encore. Pas souvent en tout cas.
    Tiron se détourna, fixant l’endroit où son grand-père avait
disparu. Il revint vers moi et son visage se recomposa.
    — D’ailleurs, dit-il avec un sourire indéfinissable,
mieux vaut attendre la mort de mon grand-père. Sans quoi, il y aurait deux
Marcus Tullius Tiron, et comment ferait-on pour nous distinguer ?
    — Comment fait-on actuellement ?
    — Tiron et le vieux Tiron, naturellement. Grand-père ne
te répondra jamais si tu l’appelles
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