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Don Juan

Don Juan

Titel: Don Juan
Autoren: Michel Zévaco
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plainte qui hésite et doute de l’accueil qui lui sera fait. Puis elle s’est affermie et est devenue un gémissement, mais non conforme à l’idée que, d’après les livres, je me faisais du gémissement des âmes en peine. Elle semblait venue du dehors, je veux dire d’en dehors ce monde d’ici. Et elle suivait une route, comme ces étoiles qui, parfois traversent le ciel : au lieu d’une étoile qu’on voit, une étoile qu’on entend. J’ai compris qu’elle cherchait quelqu’un parmi les vivants. Les saints me soient en aide, c’est moi qu’elle cherchait. Bientôt elle s’est éteinte. Mais, plus triste, plus faible, cet appel est venu me frapper encore comme je débarquais du bac.
    « Une troisième fois, dans le moment où le Sanche d’Ulloa qui est moi et que je connais écoutait les bonnes promesses de Sa Majesté, un autre Ulloa qui est dans moi et que je ne connaissais pas. – Dieu juste ! est-ce bien moi qui écris ceci ? est-ce bien moi qui ose soutenir que j’ai été deux en un ? Mais comment pourrais-je m’exprimer autrement – oui, par le ciel, j’ai bien senti qu’il y avait en moi deux Ulloa, et que l’autre, celui que jamais je ne connus, l’autre, dis-je, l’autre Moi écoutait la Voix… la voix si faible alors, si tenue, et de si loin venue… elle semblait agoniser, et c’est là que je l’ai reconnue, et j’ai cru que la terre s’effondrait. Ô ma fille, vivant portrait de ta mère, ô ma chère Christa, c’est toi qui m’appelais !
    « Fasse la Vierge que Sa Majesté ait dit vrai et que ceci ait été seulement une illusion venant de la grande fatigue que j’ai éprouvée en cette difficile ambassade. Je veux, je dois le croire. L’empereur ne saurait se tromper.
    « Pourtant j’ai fait partir mon écuyer à franc étrier pour Séville. Diego est brave. Il a de la ruse. S’il y a un danger, il saura le découvrir et l’écarter. Mais je dois faire mieux ; si le bienheureux saint François daigne s’interposer et protéger mes enfants, je promets cinq cents carolus d’or à son couvent situé proche mon palais et dans lequel se trouve le tombeau de mes pères où m’attend ma bien-aimée femme.
    « Et que Notre-Dame de Santa Ierusalen soit témoin de ce vœu ! »

III
 
DON JUAN ENTRE EN SCÈNE
    Franchissant l’espace et le temps, transportons-nous maintenant à Séville, en la matinée de ce jour où le commandeur d’Ulloa devait éprouver l’étrange phénomène que nous avons exposé tel qu’il se produisit. Nous sommes donc à l’aube de ce 19 novembre 1539, et voici, encore endormie, l’antique demeure des Ulloa que de beaux jardins entourent de toutes parts, excepté sur la façade qui borde la rue de las Atarazanas. Les étoiles pâlissent. Le frisson de l’aurore palpite dans l’air diaphane. Tout est silence, paix et douceur dans la pure atmosphère et dans Séville assoupie, déserte.
    C’est à cette indécise et charmante minute où naissait un jour nouveau qu’une porte s’ouvrit sur l’arrière du palais, et qu’ils apparurent, lui et elle, marchant du pas languide et léger des amants, en se tenant par la main.
    Certes, elle était noblement et harmonieusement belle ; mais ce qui faisait qu’on n’eût pu la voir sans être frappé d’admiration, c’était l’amour qui nimbait son front, le rare et précieux amour qui chantait dans sa voix, dans son geste, dans son attitude… le pur amour définitif et parfait dont tu étais comme resplendissante, ô Christa !
    Il était plutôt de petite taille, mais il eût été impossible à un artiste de lui trouver une faute de proportion. Le plus fin raffiné des jeunes seigneurs de la cour eût voulu copier sa sobre élégance, à la fois nonchalante et nerveuse, mais l’eût vainement tenté. Sa figure, qui n’offrait rien de remarquable, était loin de cette impeccable beauté que, d’après la légende, on serait porté à lui attribuer ; elle était régulière, pourtant, éclairée par deux beaux yeux bruns passionnés, qui semblaient naïfs. Mais ce qui étonnait en lui, c’était cette évidente, sincère et prodigieuse volonté de vivre, qui rayonnait sur ses traits. Il paraissait, dans chaque minute, surpris et ravi que la vie fût si bonne, si indulgente, si merveilleuse ; et il portait dans son cœur cette inconsciente certitude qu’elle lui réservait toutes les félicités. À le voir aspirer l’air, les parfums, l’amour, jetant aux
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