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Don Juan

Don Juan

Titel: Don Juan
Autoren: Michel Zévaco
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dans la boîte, un beau drap blanc tout neuf. Ensuite une belle et bonne messe, ensuite des porteurs à ses gages, et précédés de la croix, avec des prières tout le long du chemin jusqu’à son dernier gîte. Sans compter que si elle avait pu avoir un porteur de croix et un diacre pour les prières, nous aurions pu la suivre, tandis que personne n’a osé l’accompagner, crainte d’être mal vu des voisins, et qu’elle a dû s’en aller toute seule. Je vous dis qu’elle y a perdu à vouloir garder ses médailles.
    Don Juan, sur ces explications, eut une deuxième méditation, puis, repoussant les sinistres pensées qui l’assaillaient :
    – Mais enfin, pourquoi a-t-elle voulu les emporter, ces carolus ?
    – Ces carolus ? C’étaient donc des carolus ?… Qu’est-ce que c’est, des carolus ?…
    – Les médailles qu’elle avait. Pourquoi a-t-elle voulu les avoir dans son cercueil ?
    – Ah !… Une idée de petite fille, monseigneur. Pas de prévoyance. Pas de sagesse, monseigneur. Il y a de cela une quinzaine, voilà que je vois revenir la Blonde qui, sur mes bons conseils, s’en était allée faire un tour dans la rue. Elle était joyeuse et triste. Elle pensait des choses. Elle s’enferme. Je l’entends chanter, et puis rire, et puis pleurer, et puis j’entends le bruit de l’or. J’entre. Elle me dit : «  Demain sera un beau jour pour moi… »
    – Elle a dit cela ? tressaillit don Juan.
    – Cela et bien d’autres sornettes : « Crois-tu qu’un grand seigneur puisse aimer une pauvre fille comme moi ?… » Et puis encore : « Est-ce que je suis vraiment jolie ?… » Et puis encore : « Après tout, quel mal ai-je fait jusqu’ici ?… » Et puis encore : « Qui sait s’il ne m’aimera pas ! Quel bonheur ! Quel bonheur ! Saints anges du paradis, si je pouvais vivre dans l’honnêteté ! L’aimer ! L’aimer toujours !… » Et la voilà qui se mettait à genoux, monseigneur, à genoux devant le bénitier, et la voilà qui commençait à supplier la Vierge, et cela finissait par des sanglots, et puis là-dessus elle se reprenait à chanter… Y comprenez-vous quelque chose ?
    – Dis toujours, et ne t’inquiète pas de comprendre.
    – Eh bien, donc, elle attendait le lendemain qui devait être un beau jour. Mais va te faire lanlaire, le lendemain a été pareil aux autres jours. Et les jours se sont passés. Elle disait chaque soir : «  C’est pour demain !…  » Elle a tout le temps refusé de sortir malgré mes bons conseils. Elle me répondait : « Il m’a défendu de retourner dans la rue jusqu’à ce qu’il vienne me voir. » – Qui ça ? que je lui demandais. Elle ne répondait pas. En fin de compte, elle toussait de plus en plus. Elle se levait tout de même. Et, chaque matin, il fallait la voir se laver, se peigner, se bichonner ! Jusqu’au dernier jour, monseigneur ! Jusqu’à hier matin, où elle a encore essayé ! où elle m’a demandé le petit bout de miroir que nous avons pour se regarder. Et, alors tout à coup, elle a vu la mort. Elle m’a défendu de lui enlever ses médailles et elle est morte en les regardant. C’est à n’y rien comprendre…
    Voilà ce que don Juan Tenorio dans la conversation qu’il eut avec Amélie la Borgnesse apprit, au cabaret du Bel-Argent, le soir du jour où fut enterrée la Blonde…
    Nous avons voulu relater tout de suite les pauvres circonstances qui entourèrent la mort de la petite ribaude. Nous reprenons maintenant don Juan au point où nous l’avons laissé, c’est-à-dire au moment même où se dirigeant vers la porte du cabaret du Bel-Argent, il en vit sortir le cercueil sur les épaules des quatre porteurs de la prévôté.
    Don Juan, voyant sortir ce cercueil que nul n’escortait, le laissa passer, le suivit un instant des yeux, puis entra dans le cabaret et demanda qu’on fit venir la Blonde.
    – La Blonde ! fit l’hôtesse en se signant. Elle vient de s’en aller et ne reviendra plus jamais.
    – Ce cercueil ? tressaillit Juan Tenorio.
    – Mon Dieu, oui, mon prince, dit l’hôtesse.
    – Quoi ! Elle est morte ?
    – Dame… à force de tousser…
    Don Juan baissa la tête. Puis il revint au seuil du cabaret, se pencha, et là-bas au loin, entrevit les quatre porteurs qui se hâtaient, en un balancement rythmique de la marche. Son cœur se serra. Ce cercueil… tout seul… quoi ! personne ? personne ?… Il se tourna brusquement vers
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