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Dieu et nous seuls pouvons

Dieu et nous seuls pouvons

Titel: Dieu et nous seuls pouvons
Autoren: Michel Folco
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lui
enseigner le fonctionnement de son appareil photo.
    Il entra dans le bureau de tabac de
la porte de Saint-Cloud et acheta cinq paquets de Piccadilly pour Deibler qui
affectionnait le tabac anglais au point d’en consommer deux paquets par jour
qui le faisaient tousser comme un miséreux. Un tel vice dépassait l’entendement
de Saturnin qui n’avait jamais fumé.
    Il allait sortir quand la bonne de
la villa Sommeil entra. Il s’écarta et lui tint la porte ouverte, mais elle
passa sans un mot, sans même un regard.
    — Menas en bilo un co de
borio, so prumié que gafo es un paisan (menez à la
ville un chien de ferme, le premier qu’il mordra sera un paysan), dit-il assez
fort pour qu’elle l’entende.
    Il eut la satisfaction de la voir se
retourner et lui lancer un regard haineux.
    Quelques jours après son arrivée, on
lui avait signalé que la bonne de la villa voisine de celle des Deibler était
également aveyronnaise. Il lui avait rendu visite et avait trouvé une jolie
paysanne qui se donnait un mal fou pour parler sans accent. Elle l’avait fort
mal reçu et il n’était jamais revenu.
    Anatole était dans le corridor en
train d’enfiler son pardessus d’hiver quand il entra dans la villa.
    — Ah, te voilà enfin !
Notre leçon de photographie est remise, je dois partir au ministère. Pendant ce
temps, tu iras prévenir les autres que c’est pour demain matin.
    Le visage du jeune homme s’éclaira.
    — On va couper ?
    — Oui.
    — Je peux voir la
convocation ? Je n’en ai encore jamais vu de moderne.
    Le patron lui tendit le formulaire
rose.
     
    Monsieur… ANATOLE FRANCOIS DEIBLER… exécuteur en chef
des arrêts criminels, se transportera à… place Vendôme… pour recevoir
les ordres de Monsieur le Procureur général près de la Cour d’appel de… Paris… en vue de l’exécution du dénommé e … MARTINE GOUDUT… condamné e à
mort le… 16 août 1912… pour… parricide… par la Cour
d’assises de… Paris…
    Il sera accompagné de… adjoint(s) de première classe
et de… adjoint(s) de deuxième classe.
    Il présentera la présente pièce à Monsieur le
Procureur général. L’exécution aura lieu à… boulevard Arago… le… 16
octobre 1913… à l’aube.
    En aucun cas cette date ne saurait être avancée.
     
    Saturnin rendit la convocation.
    — Grand-père va être content.
Ça fait quarante-deux jours que je suis arrivé.
    — Tu as remarqué qu’il
s’agissait d’une femme ?
    — Oui, je ferai attention à mes
doigts.
    Il faisait allusion aux phalanges
manquantes d’Hippolyte.
    — Que ce soit une femme ne te
gêne pas ? insista Anatole, décontenancé par tant de sécheresse.
    — Un cou est un cou. A propos
du formulaire, j’ai noté que les « e » ont été rajoutés à la
main.
    — Oui, et qu’en
déduis-tu ?
    — Que l’administration ne
possède pas de formulaires au féminin.
     
    *
     
    A 1 h 50 du matin, la
Darracq se gara devant le 60 bis, rue de la Folie-Régnault. La petite
cour était encombrée par un couple de vieux chevaux attelés à un fourgon
rectangulaire aux roues vertes. Les portes du hangar étaient grandes ouvertes.
Une intense activité régnait à l’intérieur. Assis sur un tabouret, Henri
« repassait » le fil du couperet à la pierre à huile, Yvon et Gros
Louis terminaient de démonter la « bécane », Saturnin avait déjà
rangé dans le fourgon la pelle, les seaux, les serpillières, les chiffons, les
sacs de sciure et s’apprêtait à hisser le panier en osier quand Anatole entra.
    — Tout va bien ?
demanda-t-il en guise de salut.
    — Oui, patron, répondirent-ils
en chœur.
    Tout était prêt à 3 heures moins le
quart. Gros Louis éteignit les lampes à pétrole, Anatole ferma le hangar à
clef, Saturnin ôta les plaids protégeant les chevaux du froid et grimpa à la
place du cocher.
    Ne connaissant pas le chemin, il
suivit la Darracq qui le précédait à petite vitesse, tous phares allumés. Ils
traversèrent un Paris désert et fantomatique, parcouru, par-ci, par-là, d’une
ronde d’agents à vélo. Certains, reconnaissant le fourgon, lâchaient leur
guidon pour saluer.
    Tous les cafés du boulevard Arago
jusqu’à la place Denfert-Rochereau avaient reçu l’autorisation de nuit de la
préfecture et étaient bondés de curieux que seul le froid contenait à
l’intérieur.
    Des policiers en pèlerine barraient
toutes les rues donnant sur le boulevard et une compagnie
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