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Des souris et des hommes

Des souris et des hommes

Titel: Des souris et des hommes
Autoren: John Steinbeck
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minutes.
Et tout bruit cessa, et tout mouvement cessa pendant quelques minutes beaucoup,
beaucoup plus longues que des minutes.
    Puis, peu
à peu, le temps se réveilla et reprit paresseusement son cours. Les chevaux
piaffèrent de l'autre côté des râteliers et les licous cliquetèrent. Au-dehors,
les voix des hommes se firent plus hautes, plus claires.
    La voix du
vieux Candy se fit entendre au coin de la dernière stalle.
    — Lennie,
cria-t-il, hé, Lennie ! T’es là ? J'ai fait d'autres calculs. J’vas
te dire ce qu'on pourra faire, Lennie.
    Le vieux
Candy apparut au coin de la dernière stalle.
    — Hé,
Lennie ! appela-t-il encore ; puis il s'arrêta et son corps se
raidit.
    Il frotta
son poignet lisse sur sa joue blanche mal rasée.
    — J’savais
pas que vous étiez ici, dit-il à la femme de Curley.
    Ne
recevant pas de réponse, il se rapprocha.
    — Vous
devriez pas dormir ici, dit-il d'un ton de reproche.
    Une minute
plus tard il était tout près d'elle et... « Sacré nom de Dieu ! »
Éperdu, il regarda tout autour de lui, en se frottant la barbe. Puis il fit un
bond et s'élança hors de l'écurie.
    Mais
maintenant l'écurie s'était réveillée. Les chevaux piaffaient et renâclaient,
et ils mangeaient la paille de leur litière, faisaient cliqueter les chaînes de
leurs licous. Candy ne tarda pas à revenir accompagné de George.
    George dit :
    — Pourquoi
que tu voulais me voir ?
    Candy
montra la femme de Curley. George regarda :
    — Qu'est-ce
qu'elle a ? demanda-t-il.
    Il se
rapprocha puis fit écho aux paroles de Candy. « Sacré nom de Dieu ! »
Il s'était agenouillé près d'elle. Il lui mit la main sur le cœur. Et, quand
enfin il se décida à se relever, lentement, péniblement, son visage avait la
dureté, la tension du bois, et ses yeux aussi étaient durs.
    Candy dit :
    — Qui
c'est qu’a fait ça ?
    George le
regarda froidement :
    — T’as
pas une idée ? demanda-t-il.
    Et Candy
resta silencieux.
    — J'aurais
dû m'en douter, dit George, désemparé. Mais, après tout, j’m'en doutais
peut-être, dans le fond de ma tête.
    Candy
demanda :
    — Qu'est-ce
qu'on va faire maintenant, George ? Qu'est-ce qu'on va faire ?
    George
resta longtemps sans répondre.
    — J’suppose...
qu'il va falloir... l' dire aux autres. J’suppose qu'il va falloir le
retrouver pour le faire enfermer. On n' peut pas le laisser se sauver.
L' pauvre bougre, il crèverait de faim.
    Et il
tenta de se rassurer :
    — Si
on l'enferme, on sera peut-être bon pour lui.
    Candy dit
avec feu :
    — Faut
pas le laisser s'échapper. Tu n' connais pas le Curley. Curley voudra le
faire lyncher. Curley le fera tuer.
    George
regardait les lèvres de Candy.
    — Oui,
finit-il par dire, t’as raison, Curley le fera tuer. Et les autres aussi.
    Et, de
nouveau, il regarda la femme de Curley.
    Alors,
Candy exprima sa crainte la plus sérieuse.
    — Toi
et moi, on pourra avoir cette petite terre quand même, pas vrai, George ?
On pourra aller y mener la bonne vie, pas vrai, George ? Pas vrai ?
    Sans
attendre la réponse de George, Candy baissa la tête et regarda le foin. Il
avait compris.
    George dit
doucement :
    — J’m'en
doutais, j’crois, dès le début, m'en doutais qu'on ne l'aurait jamais. Mais il
aimait tellement en entendre parler que j'avais fini par croire qu'on finirait
peut-être par l'avoir.
    — Alors...
c'est définitivement dans l'eau ? demanda Candy d'un air sombre.
    George
ignora la question. George dit :
    — J’vais
faire mon mois, j’prendrai mes cinquante dollars et j’passerai toute une nuit
dans quelque pouilleux de bordel. Ou bien j’resterai au cabaret jusqu'à ce que
tout le monde s'en retourne chez soi. Alors, j’reviendrai travailler un autre
mois et j'aurai cinquante dollars de plus.
    Candy dit :
    — C'est
un si bon type. J'aurais jamais cru qu'il aurait fait une chose pareille.
    George
regardait toujours la femme de Curley.
    — Lennie
n' l'a pas fait par méchanceté, dit-il. Il passe son temps à faire des
bêtises, mais c'est jamais par méchanceté.
    Il se
redressa et se retourna vers Candy :
    — Maintenant,
écoute. Faut aller le dire aux autres. J'imagine qu'il faudra bien qu'on
l'amène ici. On n' peut pas éviter ça. Ils n' lui feront peut-être pas de
mal.
    Il dit d'un
ton tranchant :
    — J’les
laisserai pas faire de mal à Lennie. Maintenant, écoute. Les autres pourraient
peut-être penser que j'y suis
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