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Délivrez-nous du mal

Délivrez-nous du mal

Titel: Délivrez-nous du mal
Autoren: Romain Sardou
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d’autres circonstances, jamais il ne me serait venu à l’idée d’user d’un individu tel que vous, seulement… je n’ai personne d’autre vers qui me tourner !
    Bénédict Gui avait l’habitude de ce genre d’introduction peu spontanée : « Ça devait… Mais ça n’a pas… Aussi me voilà obligé de…»
    Maxime de Chênedollé leva une main et son serviteur lui remit plusieurs dossiers de feuillets.
    — Voilà, dit-il. Il s’agit d’un problème qui touche mes négoces. Plus précisément des transactions passées avec un important fournisseur de Venise. Depuis quelque temps, je sens qu’il me berne sur la provenance de ses produits. Seulement, chaque fois que je m’en ouvre à lui, il me renvoie à un alinéa tortueux de notre contrat qui penche en sa faveur. Sauriez-vous me dire ce qui se cache d’autre entre ces lignes ?
    Depuis que les traités commerciaux sur parchemin remplaçaient l’antique serment oral, des hommes comme Bénédict Gui étaient de plus en plus recherchés. Ils savaient rédiger clauses et dispositions, mais aussi dénoncer la nullité de certains accords. On venait les voir pour contester des testaments ou des pactes.
    Un peu las devant cet énième contentieux commercial, et voulant en terminer au plus vite, Bénédict prit les feuillets.
    — C’est écrit en mauvais latin, constata-t-il pour commencer.
    Chênedollé haussa les épaules :
    — Mon Vénitien est un rustre de Brindisi.
    Gui poursuivit la lecture.
    Il repéra aussitôt un piège d’écriture :
    — Plusieurs clauses sont estampillées avec l’abréviation A.P. , dit-il.
    — C’est exact.
    — Qui est un raccourci poussé du sigle Ad. Pr. En droit courant, ce dernier veut dire ad praesens. C’est-à-dire que les clauses sont liées aux exigences du moment : prix des denrées, coûts du transport en mer, taux péagers, et autres variables.
    — Eh bien ? Je sais cela !
    — Eh bien, le risque en usant de A.R c’est que l’abréviation peut aisément se lire : ad patres . Si par malheur vous retourniez « chez vos ancêtres », soit si vous mouriez, le contenu de ce contrat serait sanctuarisé et reviendrait intégralement à votre Vénitien.
    — C’est abominable !
    — Oui. Une usurpation assez répandue de nos jours…
    Mais très vite, Bénédict entra dans une concentration muette inattendue, usant de sa boule de verre grossissant pour mieux déchiffrer certains mots.
    Chênedollé regarda autour du bureau, se rendant soudain compte du désordre hétéroclite de l’endroit, du nombre impressionnant de livres et de quelques pièces surprenantes telles qu’un squelette de chat sur lequel pendait négligemment une fronde en peau d’anguille.
    Il jeta un œil à son valet, mais celui-ci restait les yeux braqués sur Gui qui scrutait intensément les textes.
    Soudain Bénédict demanda :
    — Vous rencontrez des problèmes de sommeil ?
    Chênedollé sursauta.
    — C’est possible.
    — La langue lourde, l’appétit qui ne vient plus, des difficultés d’attention, des flux de ventre peut-être ?
    — Ah ça, comment le savez-vous ?
    À son tour Bénédict haussa les épaules et dit :
    — C’est écrit là…
    Il tourna les pages vers Chênedollé.
    — En réalité, votre Vénitien n’a aucun problème avec le latin, il se trouve seulement que dans le protocole que vous avez signé, il a glissé un second accord , dissimulé derrière un codage secret. Cet homme emploie une technique ancienne de décalage de lettres, parfaitement désuète et qui sauterait aux yeux du premier déchiffreur venu ; en plus il s’y prend mal, aussi est-il contraint de commettre des fautes de syntaxe pour pouvoir respecter le chiffre de son code !
    Chênedollé émit un grognement rageur.
    — Que dit-il ?
    Bénédict saisit son stylet et, à toute allure, pointant dans l’ordre, les premières, deuxièmes et troisièmes lettres de chaque mot de plus de deux syllabes, constitua de nouvelles phrases.
    — Il s’adresse en particulier à votre contremaître Quentin…
    Chênedollé tressauta à l’énoncé de ce nom véritable.
    — … qui semble être… ma foi, l’amant de votre épouse ! Tous deux se sont accordés avec le Vénitien pour vous acculer à la faillite et récupérer votre clientèle. Ils ont établi un commerce similaire au vôtre à Ravenne qui perçoit les bonnes marchandises dont vous êtes privé. Quant à accélérer leurs fins, le Vénitien
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