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De Gaulle Intime : Un Aide De Camp Raconte. Mémoires

De Gaulle Intime : Un Aide De Camp Raconte. Mémoires

Titel: De Gaulle Intime : Un Aide De Camp Raconte. Mémoires
Autoren: François Flohic
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retour de déportation en 1945.
    À l’issue de deux semaines, j’estime en savoir assez pour entrer dans la fosse aux lions et assumer le service d’aide de camp.
    Conscient que le temps est précieux pour le président de la République, je veille à ce que nos deux pendules soient toujours à l’heure. D’ailleurs, en arrivant à mon bureau, j’appelle systématiquement l’horloge parlante.
    J’ai remarqué que le Général, quand je lui annonce ses visiteurs, consulte une vieille montre-bracelet. Un jour, il me dit :
    — Il n’est pas l’heure, je sonnerai.
    Je m’agace de le voir se préoccuper du déroulement de son emploi du temps, alors que c’est là, justement, une des tâches quotidiennes de ses aides de camp.
    Le lendemain, même scénario. Je me plante au garde-à-vous devant son bureau et j’ai l’audace de lui dire :
    — Il est exactement 10 heures. Je viens de le vérifier à l’horloge parlante.
    Ce qui n’était pas vrai, ce jour-là !
    Ses lunettes manquent lui tomber du nez. Il me regarde, interloqué, avant de me dire :
    — C’est bien, faites-le entrer.
    Je lui ai fait comprendre que je suis apte à gérer et à respecter son emploi du temps, décidé par avance. S’il n’en est pas satisfait, il n’a qu’à me renvoyer à mes bateaux. Dès cet instant, je devins prisonnier de mon personnage.
    Durant presque dix années à ses côtés, je m’efforcerai toujours de ne pas y manquer, au prix d’une attention de chaque instant. Jamais plus je ne le verrai consulter sa montre. Pour faciliter le déroulement de ses audiences, de demi-heure en demi-heure, j’ai fait installer une pendulette dans le classeur à lettres de son bureau, qu’il peut consulter sans que son visiteur ne s’en doute.
    En veillant exactement au déroulement de son programme journalier, mon but est de lui faire gagner du temps ; il peut poursuivre sans désemparer, jusqu’à la dernière seconde, le travail qu’il a entrepris, sans avoir à se préoccuper de ce qui va suivre. Par exemple, il s’écoule à peine une minute entre la sortie de son bureau et le début d’une prise d’armes aux Invalides. J’entre alors :
    — Mon général, il est l’heure.
    Il pose son stylo, coiffe son képi et se lève en disant :
    — Allons-y.
    À l’Élysée, un modus vivendi s’est donc instauré entre nous. J’ai trouvé ma place dans l’organisation de la « Maison ». Il me reste à subir l’épreuve du week-end à Colombey. Le Général s’y rend tous les quinze jours environ, l’aide de camp l’accompagnant en civil.
    Vers la mi-février, c’est mon tour de m’y rendre avec lui. Je suis assis à la droite du chauffeur. En arrivant à La Boisserie, que je découvre, la voiture, prenant l’allée centrale, fait un demi-tour à gauche pour permettre à Mme de Gaulle de descendre devant sa porte. Comme je m’efface, afin de laisser le Général entrer à son tour dans sa demeure, d’un geste large, il m’invite à suivre Mme de Gaulle :
    — Après vous, cher ami.
    Je suis devenu un hôte que l’on reçoit.
    Jusqu’en octobre 1960, durant les séjours à Colombey, l’aide de camp vivra à La Boisserie dans l’intimité de ses propriétaires. On imagine ce que cette présence étrangère, pour discrète qu’elle s’efforce de se faire, a de lourd et parfois d’importun pour les de Gaulle : ils se font un devoir de la recevoir avec toutes les attentions de leur courtoisie qui est, comme chacun sait, grande et délicate. Ces attentions sont gênantes pour l’aide de camp : il doit accepter que le Général lui offre l’apéritif – du frontignan – et les digestifs, surveille son verre à table et verse la boisson… Aussi ne serai-je pas fâché de ne plus loger à La Boisserie.
    On a voulu installer l’aide le camp à la préfecture de Chaumont, ce qui s’est révélé aussi une servitude pour le préfet. Personnellement, je choisis l’Hôtel de la Gare à Chaumont ou un hôtel à Bar-sur-Aube. Bien que tenu d’y rester pour répondre à un appel, je m’y sens plus libre.
    Mais, quand je déjeune à La Boisserie, l’accueil du Général est toujours aussi courtois et simple. Au café, il ne manque jamais d’offrir un cigare.
    — Flohic, êtes-vous fumeur ? m’a-t-il demandé lors de mon premier week-end à Colombey.
    — Je fume parfois, mais je ne puis me qualifier de fumeur.
    — Je l’étais. Un gros fumeur. Je me suis arrêté du jour
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