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D'Alembert

D'Alembert

Titel: D'Alembert
Autoren: Joseph Bertrand
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servaient volontiers de directeurs à leurs consciences et de guides à leurs premiers pas dans le monde.
Jean Lerond, joyeux et confiant, accepta d'abord leurs conseils. Leurs livres de dévotion l'ennuyèrent, ils s'y attendaient : on lui prêta les livres de controverse. La sympathie et la confiance ont des bornes.
D'Alembert, effrayé de cette pieuse ferveur qui n'engendrait que la haine, rejeta cet amer breuvage, et, sans cacher toute sa répugnance, devint l'adversaire, bientôt l'ennemi de ceux qui le lui présentaient.
Les invectives, dans les discussions théologiques, en 1736, allaient jusqu'à la fureur.
Jansénistes et jésuites, pour l'attaquer ou pour la défendre, faisaient de la bulle Unigenitus l'essentiel de la religion et la pierre de touche de la foi.
    Les pamphlets succédaient aux pamphlets, et si d'Alembert, comme il s'en est vanté, lisait avec conscience tous ceux qu'on lui prêtait, la polémique la plus violente occupait une grande part de son temps.
Le livre du père Quesnel : Réflexions sur le Nouveau Testament avait été l'occasion et devenait le terrain de la lutte. La destinée de ce livre est singulière. Publié en 1671, on le recommandait dans plusieurs diocèses et le citait comme le soutien le meilleur et le plus édifiant de la foi, tiré des pures sources de l'Écriture et de la tradition. Son succès pendant un quart de siècle s'accroissait sans cesse. L'archevêque de Paris, écrit Bossuet qui l'approuve, étant encore évêque de Châlons, crut trouver dans ce livre un trésor pour son Église. Le pieux évêque, après l'avoir revu et annoté, l'adressa aux curés, aux vicaires et aux autres ecclésiastiques de son diocèse pour servir de matière à leurs instructions. Les Réflexions du père Quesnel étaient reçues avec avidité et édification, les libraires ne pouvaient suffire à la dévotion des fidèles ; chaque mois voyait naître une édition nouvelle.
«Il suffisait, si nous en croyons le témoignage de Bossuet, de lire le livre des Réflexions morales pour y trouver, avec le recueil des plus belles pensées des saints, tout ce qu'on peut désirer pour l'édification, pour l'instruction et pour la consolation des fidèles.»
Tant d'excellentes pages cependant et tant de pieuses annotations cachaient le poison janséniste.
Les jésuites eurent d'abord des scrupules et des doutes, la discussion anima leur zèle.
La question fut portée à Rome. On s'y partagea comme à Paris. La décision sans appel de la bulle Unigenitus ordonna enfin, en 1713, la soumission et le silence aux esprits les plus orgueilleux et les plus tenaces qui furent jamais.
    Un livre édifiant et orthodoxe pendant quarante ans était interdit. Les maximes et les conseils que les jésuites eux-mêmes avaient eus en vénération devenaient, sur leur insistance, dangereux et impies. On condamnait cent une propositions d'autant plus coupables que le venin y était plus caché.
Il l'était extrêmement, et beaucoup de fidèles, une grande partie même du clergé, habitués à en nourrir leur esprit, refusèrent de changer de régime. La guerre fut déclarée et troubla la France pendant plus d'un demi-siècle. Quarante ans après la publication de la bulle, le nombre des lettres de cachet lancées à son occasion dépassait quarante mille.
Du haut en bas, la société était divisée. On était appelant ou non appelant ; les plus ardents étaient réappelants ; les non communiquants refusaient toute relation avec les approbateurs de la bulle. Le silence respectueux était blâmé de tous, le mépris prodigué à ceux qui pesaient les affaires du sanctuaire dans la balance de la raison, et le tolérantisme flétri comme une faiblesse ou dénoncé comme un crime.
Pour délivrer la vérité retenue dans l'injustice, chacun se faisait gloire de devenir une ville forte, une colonne inébranlable et un mur d'airain. Un bourgeois de Paris bien pensant n'aurait pas confié ses souliers à un décrotteur ou sa malle à un commissionnaire sans prendre des informations, pour ne pas souiller sa conscience en encourageant l'indifférence d'un non appelant ou l'erreur criminelle d'un partisan de la bulle.
Il fallait être janséniste ou moliniste.
    Boindin, auteur comique fort oublié, disait : «Entre Dumarsais et moi la différence est grande :
Dumarsais est athée janséniste, et moi je suis athée moliniste».
Quoique la bulle fût de 1713, au moment où d'Alembert quitta le collège, en 1735, la
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