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Crucifère

Crucifère

Titel: Crucifère
Autoren: David Camus
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puis la voix frémit :
    — Ce n’est pas moi.
    — En ce cas, à qui ai-je l’honneur ?
    — C’est que, je me le demande aussi, parfois… Il y a très longtemps, dans une autre vie, je m’appelais Guillaume de Tyr. Mais maintenant je n’ai plus de nom.
    — Guillaume de Tyr ? Est-ce vous, Excellence ? demanda Emmanuel, en reprenant espoir.
    Il cherchait désespérément à tourner son visage en direction de celui qui prétendait être l’ancien archevêque de Tyr – alors que tout le monde savait qu’il était mort depuis plusieurs années. Il fit si bien que ses efforts aboutirent. Il bascula la tête sur sa droite, et aperçut un très bel arbre – un sycomore –, à demi camouflé par l’obscurité. Une forme enveloppée dans un drap se blottissait au creux de ses racines.
    — Excellence, pourquoi vous cachez-vous ?
    Une tête affublée d’affreux cheveux, raides et secs, pareils à des branches de céleri, émergea de sous le drap tel un rat de sa tanière. C’était une femme, aux yeux pareils à des raisins, enfoncés dans leurs orbites. Elle ne dit rien, mais rampa vers Emmanuel, qui ne put s’empêcher de frémir.
    — N’ayez pas peur, reprit la voix. Vous lui devez la vie.
    Emmanuel cilla, tenta de pénétrer l’obscurité qui baignait l’arbre – en vain.
    — Mais où êtes-vous ? demanda-t-il. Pourquoi ne vous montrez-vous pas ?
    — Je ne peux pas me déplacer…
    Et c’est alors qu’Emmanuel comprit que la voix provenait directement de l’arbre, d’une cavité creusée dans ce qu’il avait d’abord pris pour un nœud. Juste au-dessus de cette cavité, deux autres nœuds figuraient une paire d’yeux, auxquels les veines du bois donnaient deux sourcils en broussaille. Les branches, qu’un vent invisible agitait parfois, formaient les cheveux et la barbe. On aurait vraiment dit un homme, taillé dans un sycomore.
    — Excellence ? Que vous est-il arrivé ?
    — Je suis devenu arbre, frère Emmanuel, fit Guillaume de Tyr en agitant les branches.
    — Vous me reconnaissez donc ?
    — Ayant en guise de paupières deux lourds morceaux d’écorce que j’ai grand-peine à soulever, je suis pour ainsi dire frappé de cécité… Mais elle m’a dit ton nom. Tout comme elle m’avait prédit que tu viendrais.
    — Elle ?
    — L’Emmurée.
    Et c’est ainsi qu’Emmanuel apprit que l’endroit où il se trouvait s’appelait l’« oasis des Moniales ». Cette oasis avait été, jusqu’à une date récente, le royaume des Amazones.
    Mais, en septembre 1187, une horde de bédouins sans foi ni loi l’avait saccagée puis rasée – sur ordre des Assassins. Guillaume n’avait survécu que grâce à cet arbre, planté du temps d’Abel. Un sycomore dans lequel les Romains avaient jadis taillé le bois de la Vraie Croix. Ils y avaient laissé une profonde plaie, purulente de sève, où Guillaume s’était réfugié lors de la destruction de l’oasis. Quant à l’Emmurée, c’était probablement une immortelle.
    — Je te présente la reine Marie. C’est elle qui – en l’an 614 de l’incarnation de Notre-Seigneur Jésus-Christ – a demandé à son mari, le roi des Perses, de lui rapporter la Vraie Croix. Elle a longtemps régné sur cette oasis, avant de la léguer aux Amazones…
    — Est-elle vraiment immortelle ?
    — Elle est en tout cas la seule – avec moi – à avoir survécu à la destruction de cette oasis.
    — Alors, elle doit souffrir terriblement.
    — Non, je ne crois pas, bruissa le vieil arbre. Je pense même pouvoir dire qu’elle ne s’en souvient pas. Car elle était l’oracle des Amazones, leur devineresse. Le don que Dieu lui a fait a sa contrepartie. Elle connaît l’avenir, mais ne sait rien du passé…
    — Le passé ? haleta Emmanuel. Allons, il n’est plus temps de s’en soucier ! Je dois rentrer au Krak, prévenir mes frères hospitaliers. Le convoi a été attaqué. Les Templiers nous ont trahis !
    Emmanuel faisait allusion à la mission que lui avait confiée le commandeur du Krak des Chevaliers, Alexis de Beaujeu : se porter à la rencontre des Hospitaliers chargés d’apporter au Krak la rançon destinée à racheter la Vraie Croix, prise aux Francs par les Arabes lors du désastre de Hattin. Cette mission avait échoué, des Templiers et des Assassins les ayant ignominieusement attaqués, pour leur dérober l’or et les massacrer.
    — Patience, souffla le vieil arbre. Commence donc par guérir,
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